LES MILLE ET UN MENSONGES QUI CONDAMNENT LE GOUVERNEMENT CAMEROUNAIS
La clé de la difficulté qu’a le gouvernement camerounais à faire entendre sa version sur les circonstances et le bilan de la tragédie de Ngarbuh dans la région du Nord-Ouest, se trouve incontestablement dans le rapport de notre gouvernement à la vérité.
En effet, le Cameroun est peut-être ici dans la posture de ce menteur compulsif que plus personne ne croit ni n’écoute, quand bien même il dirait la vérité. Les exemples foisonnent. Retenons-en juste deux pour leur proximité dans le temps et pour leur caractère particulièrement tragique :
1- L’affaire Koumatekel, du nom de cette femme enceinte qui fut opérée par sa propre sœur en plein air à l’entrée de l’hôpital Laquintinie à Douala après que la formation hospitalière eut refusé de l’accueillir. Elle mourut finalement, ainsi que les jumeaux qu’elle portait. La position officielle du gouvernement fut de dire que les enfants étaient déjà décédés au moment où l’infortunée arrivait à l’hôpital. Alors que les vidéos amateurs de l’opération de fortune, tournées par la foule, montraient clairement des enfants pleins de vie au moment où on les sortait des entrailles de leur mère.
2- L’exécution de femmes et leurs enfants par des soldats camerounais dans l’Extrême-Nord. La version du gouvernement fut de soutenir et répéter, envers et contre tout bon sens, que ce ne sont pas des soldats camerounais et que la scène se déroulait au Mali. Il fallut une enquête pointue de la société civile et des médias pour qu’il acceptât ce qui sautait aux yeux de tous ceux qui avaient regardé la vidéo de cet insoutenable massacre.
Leur refus de croiser le chemin de la vérité est tel que les autorités de Yaoundé refusent systématiquement d’inclure la mention « indépendante », ne serait-ce que pour la forme, dans le libellé des commissions d’enquêtes et mêmes des commissions électorales qu’elles créent. C’est d’ailleurs le cas encore de la commission d’enquête mise sur pied pour cet incident de Ngarbuh.
Un incident qui met par ailleurs en lumière l’autre élément qui, hélas ! dessert sérieusement le Cameroun dans cette guerre de l’information qui l’oppose aux ONG comme Human Rights Watch. En l’occurrence la tradition des dérives de nos forces de l’ordre et de sécurité dont le travail remarquable est malheureusement souvent dilué dans un grand nombre d’exactions d’une rare barbarie.
1- Souvenons-nous qu’en 1992 comme en 2016, elles torturèrent des étudiants respectivement à Yaoundé et à Buéa, en leur infligeant des humiliations qu’on n’infligerait pas à des criminels. Cerise sur le gâteau, en 1992, elles promenèrent une étudiante toute nue dans le campus, alors qu’elle était en pleines menstruations, au seul motif qu’elle était l’un des leaders des revendications estudiantines. Comme en 2016, elles firent ramper les étudiants en 1992 en leur demandant de répéter « ton CEPE ou ton BEPC dépassent mon BAC et ma licence ». Terrible!!!
2- Rappelons-nous aussi ce soldat tirant à balles réelles sur le pied d’un manifestant du MRC lors des marches blanches qui ont suivi la présidentielle de 2018, tout en lui demandant de courir.
3- Les archives nous apprennent également qu’en 2000 le commandement opérationnel mis en place dans la ville de Douala se distingua par de très nombreux abus de la part des forces de l’ordre et de sécurité.
Ainsi, les exemples de mensonges du gouvernement et de bavures policières foisonnent à mesure que l’on remonte le temps. Tant et si bien que les autorités camerounaises et les forces de l’ordre n’ont pas, mais alors pas du tout, bonne presse chez les citoyens, nonobstant les discours publics pour faire politiquement correct.
QUESTIONS
– Pourquoi le gouvernement camerounais refuse-t-il de se remettre en question pour moderniser sa façon de communiquer et de gérer les crises ?
– Pourquoi pense-t-on à Yaoundé que les stratégies qui ont marché dans les années 1980 et 1990 peuvent toujours marcher en 2020 ?
– Quand est-ce que les forces de l’ordre et de sécurité vont-elles comprendre qu’elles doivent se ranger du côté de la population plutôt que de protéger la classe dirigeante même lorsqu’elle est en pleine dérive, en plein abus de pouvoir ou en pleine violation des lois ?
En tout cas, comme on le voit, le mensonge perpétuel met aujourd’hui le gouvernement et le pays tout entier dans une position très inconfortable. Presque intenable. Et un profond changement s’impose. Coûte que coûte.
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