LES RÉSOLUTIONS DU PARLEMENT AMÉRICAIN ET LE PROBLÈME PAUL BIYA AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU
Par Achille MBEMBE
Le Premier Ministre camerounais a, illico presto, ete depeche dans les regions anglophones. Le satrape aurait-il entame son chemin de Damas, a la maniere de son homonyme, l’ex-persecuteur reconverti en apotre de la nouvelle foi et auteur de fameux epitres?
Sous pression internationale, l’homme muet et sadique a soudain retrouve la parole. Sur les reseaux sociaux ou il ne cesse de pontifier depuis quelques semaines, distribuant a la pelle des poncifs, appelant a l’oubli, mais pas a la justice et a la responsabilite.
En realite, le tyran n’aura eprouve que dedain pour un peuple qu’il aura, de bout en bout, traite comme du cheptel.
Peu de peuples s’etant reveles prets a encaisser autant que celui-ci et pendant aussi longtemps, c’est peut-etre pourquoi il l’aura couvert de tant de mepris.
Il l’aura deserte a ses moments de grande souffrance, lui preferant les morts des autres – les interminables condoleances vides a tant d’homologues etrangers, mais pas un seul mot pour la mort des siens.
En pres de 40 ans de pouvoir, il aura prefere les bords du fameux Lac, dans un hotel genevois, aux routes defoncees et impraticables de son pays, aux poubelles enfumees d’une capitale pouilleuse, et aux mouroirs qui, ici, tiennent lieu d’hopitaux.
De son bilan, les apologistes de l’immobilisme ne veulent pas en parler. Peut-etre parce qu’il saute aux yeux. M. Paul Biya a transforme le Cameroun en une violente poubelle.
Pendant longtemps, il l’a fait a huis-clos. Dans une siderante impunite. Les peuples avachis, en effet, suscitent generalement l’indifference des autres nations.
Cette epoque est terminee. Parce qu’en partie, des Camerounais se sont leves pour dire: « Ca suffit ». Et d’abord ceux du Cameroun occidental. Le cout ne cesse de s’elever, mais desormais, les projecteurs sont allumes, et leur calvaire attise le regard de ceux qui ont les moyens d’exiger des comptes a ce regime de sicaires.
Et de fait, les Etats-Unis en particulier se sont mis sinon a exiger des comptes, du moins a ronger leurs freins.
Leur ennemi principal dans la sous-region, c’est le terrorisme islamiste. Pour y faire face, ils sous-traitent le ‘sale boulot » au regime qui, pour le moment, l’execute d’une facon jugee « globalement satisfaisante », peu importent les dommages collateraux.
Mais les Etats-Unis comprennent parfaitement que la crise dans le Cameroun occidental (la region dite anglophone) est d’une autre nature. Elle porte sur la forme de l’Etat. Pas sur un fetiche, la « republique unie et indivisible », au nom duquel des sicaires sont prets a tuer.
Dans le contexte historique et anthropo-culturel qui est le notre, en effet, eriger « la republique » en fetiche absolu, c’est militer en fin de compte en faveur d’une ideologie eliminationiste.
Les apotres de l’immobilisme et de la tyrannie pretendent que « rien n’est possible »; « on ne peut pas discuter de la forme de l’Etat »; « le federalisme est impossible »; « l’alternance est impossible »; « la democratie des communautes est impossible »; « la regionalisation est impossible »; « la liberte de manifester est impossible », « le dialogue est impossible », bref, tout doit demeurer en l’etat.
Mais si tout doit demeurer en l’etat par peur d’un chaos que l’on s’est efforce pendant pres de 40 ans de fomenter, de doser et d’entretenir a dessein et dans lequel nous sommes d’ores et deja enfonces, cela veut dire qu’une seule chose est possible, a savoir l’elimination de tous ceux qui en appellent au changement.
C’est contre cette ideologie de l’eliminationisme au nom d’un culte paien au fetiche qu’est devenue « la republique » qu’il faut se lever.
Car, un tel culte repose fondamentalement sur des sacrifices humains – d’ou les 1850 morts, les 174 villages rases, les dizaines de milliers de refugies et deplaces internes, la militarisation de la justice, la criminalisation de toute opposition, les 200 prisonniers politiques, les detentions arbitraires de Maurice KAMTO, Michele NDOKI, Penda EKOKA et leurs compagnons.
On ne peut pas construire le Cameroun sur la base d’un systeme politique dont la seule fonction est de decider qui il faut livrer au sacrifice.
Lorsqu’on exige qu’un dialogue le plus elargi possible et le plus inclusif possible ait lieu, qui ne porte pas seulement sur la crise humanitaire, mais sur la refonte de l’Etat et ses rapports avec les communautes, c’est justement pour sortir une bonne fois pour toutes des cultes paiens de la politique herites du colonialisme, et de la logique des sacrifices humains qui en est le sous-bassement.
Soudain pris de panique,