L’EX BANQUIER DE PAUL BIYA PRÉFÈRE AKERE MUNA
On a retrouvé Robert Messi Messi, le premier fonctionnaire qui a eu à dénoncer à travers un grand déballage dans la presse, les détournements de fonds du régime et la mauvaise gouvernance de ce pays…
Pour cette première édition,
Nous avons rencontré un personnage emblématique. Très peu bavard ces dernières années. Il a décidé depuis quelque temps d’entrer dans l’arène politique. Ancien conseiller du Gouverneur de la Beac et ex- Directeur général de la SCB, il est ancien élève de l’École Centrale de Paris, ingénieur des arts et manufactures et “Docteur d’État es Sciences mathématiques. Apres cinq ans d’exil à Montréal au Canada, il s’envole pour l’Angleterre où il réside depuis près de 25 ans.
Tout au long de cet entretien avec cet intellectuel de la diaspora, nous découvrons un observateur averti, un homme d’expérience. Des idées fortes, des observations pointues, des analyses prospectives. Visiblement, la terre de ses ancêtres lui manque. Il manifeste le désir ardent d’apporter sa pierre à l’édification d’un Cameroun nouveau. Nous sommes allés vers l’homme de sciences, l’homme de la finance l’homme politique : Robert Messi Messi. Entretien.
Question: Avez-vous un passeport étranger ?
Robert Messi Messi: J’ai dû y introduire des demandes de passeport pour me permettre à ma famille et moi-même pour y vivre légalement, travailler et voyager, compte tenu du refus de notre ambassade au Canada de renouveler mon passeport. Toutefois, pour être honnête, ce refus de renouvellement ne frappait que moi-même. Les passeports des autres membres de ma famille avaient été a chaque fois
Q: Aujourd’hui qu’est devenu Robert Messi Messi ?
RMM: Je suis tout simplement ce que je suis devenu après près de 30 ans
d’exil sans interruption. Au Canada, je me suis installé à mon propre
compte comme consultant financier et faisais de la spéculation boursière d’abord comme hobby . Ensuite, je suis devenu presqu’un expert boursier. Je maitrise maintenant l’art de boursicoter sans y laisser des plumes et même en y gagnant de l’argent. Mais j’ai interrompu ces activités pécuniaires pour me consacrer a fond à la politique de mon pays. A 69 ans je vis maintenant essentiellement de ma pension de retraite que me verse le gouvernement canadien.
Q: Vous êtes parti du Cameroun voilà bientôt 30 ans. Avez-vous une base politique au Cameroun ?
RMM: Le gouvernement camerounais ne reconnaissant pas la double
nationalité, mon passeport camerounais étant venu a échéance depuis des décennies et ne pouvant pas être renouvelé, il m’est impossible de venir au Cameroun avec un simple visa de touriste. Même si celui-ci m’était accordé pour venir durablement faire de la politique au Cameroun, encore moins y établir une base. Je me contente donc de faire de la politique à distance en utilisant toutes les facilités que m’offrent l’internet et les réseaux sociaux. Je suis actuellement très présent sur les réseaux sociaux et cette présence s’accroît de jour en jour.
Q: Êtes-vous refugié politique ici? sinon comment circulez vous ?
RMM: Comme je viens de vous le dire, j’avais bénéficié à mon arrivée au
Royaume-Uni venant du Canada du statut de réfugié dans mon nouveau pays d’accueil. Par la suite, par nécessite pour ma famillej’ai sollicité la citoyenneté canadienne après 5 années de
résidence permanente. Je suis donc maintenant citoyen britannique et je ne remercierai jamais assez pour cela les autorités britanniques de cette marque de bienveillance à mon égard. Je suis détenteur désormais d’un passeport britannique qui me facilite de circuler librement dans la plupart des pays.
Q: Vous entrez dans la scène politique, avec de nouvelles idées. Quelles en sont les motivations ?
RMM: Tout simplement de mettre ces nouvelles idées en débat sur la scène pour que chacun puisse donner son point de vue sur l’actualité politique, économique et sociale de notre pays, ainsi que sur les choix politiques de nos leaders nationaux et principaux dirigeants des partis pour la résolution de nos problèmes quotidiens. Je viens de créer à cet égard un forum de discussion sur facebook qui s’intitule “Les Amis de Robert Messi” qui est ouvert à tous les Camerounais sans distinction aucune; mais au -delà, a tous les amis du Cameroun. J’ai également crée un site internet a l’adresse robertmessi.fr où je donne périodiquement mon point de vue sur les problèmes brûlants de l’actualité . Enfin je publie de temps en temps des articles sur des sujets d’intérêt dans le site de camer.be. Et aujourd’hui, je me réjouis et vous remercie de me donner l’opportunité de participer à cette interview.
Q: Quelle est votre ambition?
RMM: Pour l’instant mon ambition se limite à éclairer autant que possible les
Camerounais pour qu’ils fassent un choix en connaissance de cause lors des prochaines échéances électorales. Je n’ai, croyez-moi, aucune ambition personnelle. Je ne suis aujourd’hui candidat à rien! Et même si je nourrissais quelques ambitions personnelles,
comment pourrais-je les réaliser sans passeport, alors que j’ai perdu la nationalité camerounaise et que la réglementation actuellement en
vigueur au Cameroun ne reconnaît pas la double nationalité? Je me contente donc, au vu de tout cela, de prodiguer des conseils aux électeurs, et de donner tout simplement un point de vue chaque fois que l’occasion se présente. Il n’est pas nécessaire d’avoir des ambitions personnelles pour être utile à son pays. Je me contente pour le moment de me rendre utile chaque fois que je le peux.
Q: Dans un post daté du dimanche 22 avril 2018, vous prédisiez l’échec de Maurice Kamto parce que, dites- vous, il y va tout seul. Pourtant, de mémoire, les candidats à la présidentielle n’ont autant négocié. Akere Muna est porté par une plate forme de partis et d’association la Nouvelle République, Maurice Kamto a rencontré Akéré Muna, Espoir Matomba,etc. Agbor Nkongo et ses représentant étaient au congrès du Mrc. Et Maurice Kamto a fait une demande publique de rencontre avec le Président du SDF. Avec toutes ces activités vous persistez dans la même analyse ?
RMM: Je voudrais dire d’emblée que je n’ai rien personnellement contre
Maurice Kamto, et je peux même m’avancer pour affirmer qu’en homme intelligen qu’il est, il n’a lui non plus rien personnellement contre moi. Mr kamto est un brillant intellectuel qui a mis ses compétences au service du pays notamment dans le cadre de l’affaire Bakassi. Les Camerounais et en particulier le Président Paul Biya lui même lui en sont, j’en suis convaincu, très reconnaissants. Ceci dit, je reproche essentiellement une chose au Pr Maurice Kamto sur le plan politique . ll s’est certes comme vous le dites, rapproché des principaux leaders de l’opposition, mais il l’a fait tout simplement par pur électoralisme politique. Sa stratégie n’était nullement de constituer une véritable coalition pour rassembler celle-ci autour d’une candidature unique de nature à constituer une alternative crédible face au Président Paul Biya. Non, l’unique motivation de sa manœuvre c’était de prendre le leadership de cette opposition pour que son parti le Mrc accède au statut
de premier parti de l’opposition et supplante de ce fait le Sdf, et d’apparaitre comme le principal challenger du Président Paul Biya. Ce conflit d’ego, je dirai ce choc des ambitions, s’est même exacerbé du fait que Maurice Kamto n’a pas supporté l’idée que lui et son parti puissent s’effacer devant Akere Muna et son mouvement politique aux yeux de nombreux internautes dont moi-même.
Voilà pourquoi je reste dubitatif sur la sincérité de Maurice Kamto dans ses tentatives de rapprochements avec les autres leaders de l’opposition. Il paraît qu’il prépare de nouvelles initiatives d’approche qui sont en cours. Attendons simplement d’en connaître le résultat. Mais je reste sceptique. Souhaitons-lui toutefois bonne chance dans sa nouvelle tentative de rassemblement de l’opposition.
Ai-je été sollicité par un quelconque candidat de la présidentielle?
Oui. Et si mes souvenirs sont exacts, il s’agit de Ni John Fru Ndi, et c’était à l’époque où je venais d’émigrer en Angleterre. Il était alors question d’envisager mon adhésion au Sdf. J’avoue maintenant que j’étais séduit par l’idée, mais certaines restrictions liées a mon nouveau statut d’immigrant d’alors m’empêchèrent de donner corps à cette idée. Mais l’année dernière, j’ai changé d’avis et j’ai opté sans en être sollicité par personne, de porter mon choix sur Maître Akere Muna qui n’est à la tête d’aucun grand parti politique, et qui cherche plutôt à construire une coalition des partis politiques. Je ne regrette pas ce choix car je ne pense pas que l’opposition s’en sortira gagnante contre un adversaire aussi redoutable que Paul Biya appuyé par une formidable machine à gagner les élections comme le Rdpc avec à ses cotés des alliés de la taille de l’UNDP.
Q: Vous avez crée un groupe de réflexion, quel est son objectif ?
RMM: Comme je l’ai déjà dit, ce forum de discussion ouvert à tous, vise
essentiellement à échanger entre amis du Cameroun et d’ailleurs nos
points de vue sur l’actualité du pays sans discrimination de toute sorte, en toute tolérance, et dans le respect des opinions des uns et des autres.
Q: Vous avez aussi un parti politique RMM: Il s’agit avant tout d’un groupe fermé qui a pour objectif de s’implanter au Cameroun au lendemain des prochaines échéances présidentielles. Le nom de ce groupe est le Rassemblement Démocratique des Populations du Cameroun pour le Changement (Rdpcc). Comme son nom l’indique, il vise à revenir aux sources du Rdpc, en fondant son action sur les idéaux initiaux du président Paul Biya qui sont le renouveau, le libéralisme
communautarise la moralisation des comportements et la justice sociale en y ajoutant la notion de solidarité. Comme vous pouvez le constater vous -mêmes, ces idéaux qui ont été mis à mal par la tentative de putsch heureusement mise en échec en 1984 par notre vaillante armée républicaine, restent encore d’actualité aujourd’hui. Si le Président Paul Biya venait à sortir vainqueur de la prochaine élection présidentielle, les choses seraient très claires pour nous: le Rdpcc se constituerait comme une aile réformiste au sein du Rdpc et tenterait par ses idées novatrices de peser sur les orientations de ce dernier. Dans l’hypothèse inverse, c’est avec le nouveau Président que nous discuterions soit pour le soutenir en cas d’accord, soit à l’inverse pour s’opposer a lui.
Q: Avec une présidentielle à un tour, un calendrier électoral opaque, est- ce que le dé n’est pas pipé à l’avance ?
RMM: Il ne faut pas attendre que les conditions parfaites soient réunies pour aller aux élections. Autrement dit, nous passerions tout notre temps à boycotter les urnes et cela ne nous emmènerait nulle part. Nous devons lutter pour des améliorations progressives sans vouloir tout chambouler. En règle générale je n’aime pas les révolutions, les
insurrections et des changements dans la brutalité. Je préfère des évolutions par oppositions aux révolutions. Partout où celles-ci se sont produites, on a assiste à un moment ou un autre, à un retour du
balancier. Continuons donc à revendiquer périodiquement des élections présidentielles à deux tours et plus de clarté dans le calendrier électoral, mais ne boycottons surtout pas les élections pour cette seule raison, même si nous estimons que les dés sont pipés d’avance. Il arrivera sans doute un moment où la mobilisation pacifique citoyenne sera si grande que ces garde-fous ne seront plus en mesure d’empêcher l’opposition d’accéder au pouvoir.
Q: Pensez -vous qu’en l’état actuel des choses, il y aurait une présidentielle crédible ?
RMM: Les conditions actuelles d’organisation de la présidentielle ne sont sans doute pas idéales, mais que faire pour les rendre plus crédibles? Décider d’aller au boycott mais pour quel résultat puisque cela n’empêchera pas le pouvoir actuel de rempiler pour plusieurs années encore? Descendre dans la rue pour faire la révolution? Non comme nous venons de le dire, nous devons accepter d’avoir la patience de faire évoluer les choses à un rythme raisonnable sans précipitation aucune!
Q: Quel est votre position sur le fédéralisme ?
RMM: J’ai des idées assez précises sur cette question qui pour moi, ne saurait être traitée sans être liée a la crise anglophone qui est avec boko-haram le mal profond dont il faut extirper notre pays en ce moment précis. Je dirais donc que pour moi le Président Paul biya, s’il acceptait de changer son fusil d’épaule, en empruntant la voie du dialogue et de la négociation plutôt que le recours à la voie militaire, aurait toutes les cartes en main pour résoudre durablement cette crise dans la préservation de l’intégrité territoriale de notre pays sur lequel aucun camerounais ne devrait transiger. Donc pas de sécession, pas de séparation, pas d’indépendance de la partie anglophone par rapport au reste du pays. Cela dit, tout le reste est négociable et notamment une large autonomie concédée aux anglophones pour gérer leurs deux régions comme ils l’entendent. On pourrait alors à la limite assimiler cette autonomie au fédéralisme à deux États, même si cette sémantique n’est pas appropriée. Même la solution de la décentralisation qui se ramène en fait à un fédéralisme à 10 États uniformément appliqué aux 10 régions du Cameroun , érigées chacune en État fédéré, ne serait pas acceptable pour les anglophones. Il faudrait donc se résoudre, nous semble t-il, à un fédéralisme à deux États donnant une large autonomie politique aux anglophones dans leurs deux régions et une décentralisation dans les 8 autres régions francophones du pays.
Le message que je voudrais faire passer ici est qu’il appartient au Président Paul Biya et à personne d’autre que lui, de résoudre cette crise. C’est de sa responsabilité de nous sortir de cette impasse! Nous ne devrions pas accepter de nous tourner vers une puissance étrangère ou vers l’ONU pour résoudre nos problèmes à notre place.
Q:Sur le Franc CFA…
RMM: Sur cette question essentielle qui touche à la souveraineté monétaire de nos États, je voudrais tout simplement pour me résumer, rappeler que je suis à la fois contre le statu-quo qui consiste à laisser le système en l’état et à ne pas bouger d’une part; et la recherche d’une rupture brutale d’avec la France. La solution que je préconiserais et qui à mon avis serait mutuellement bénéfique pour les pays africains et la France, est que le trésor français sorte des organes de décision des banques centrales africaines . Mais que les pays africains acceptent de confier à la France par l’entremise des cadres techniques de la Banque de France une assistance technique sur mesure dont les deux banques centrales auraient besoin pour la gestion de leur monnaie et la mise en œuvre de leur politique monétaire. Il n’y aurait donc pas de rupture du cordon
ombilical avec la France mais un changement stratégique dans la nature de leur coopération. Dans le cadre de cette nouvelle coopération, la défense de la parité de la monnaie relèverait non plus du trésor français, mais des gouverneurs des deux banques centrales. La convention du compte d’opérations pourrait être revisitée pour s’appeler convention d’assistance technique et la rémunération versée au trésor français pourrait être maintenue dans un premier temps au niveau actuel pour être renouvelée selon une périodicité contractuelle à définir entre les États africains et la France.
Q: Notre paysage bancaire est constitué en majorité d’entreprises privées et de succursales de grands groupes étrangers. En tant que banquier, pensez- vous que des banques étrangères peuvent véritablement accompagner l’émergence de nos pays ?
RMM: Vous avez tout à fait raison de souligner cette dichotomie qui
caractérise le système bancaire de notre pays constitué de filiales et antennes de banques étrangères d’une part, et de structures purement locales d’autre part. Mais il ne s’agit pas de les opposer , plutôt de rechercher une synergie dans leurs actions. Les grands groupes étrangers peuvent mobiliser à l’extérieur d’énormes capitaux pour les affecter au financement de l’économie locale, tandis que nos banques domestiques peuvent accompagner cet effort par la recherche de l’épargne dans les parties les plus reculées du pays difficiles d’accès aux banques étrangères. La synergie entre ces deux actions complémentaires peut être assurée par une politique de fixation de marges bancaires suffisamment rémunératrices pour inciter toutes les banques à prendre des risques calculés en affectant leurs dépôts excédentaires dans des emplois plus rentables.
Q: Les privatisations ?
RMM: J’ai été moi-même témoin de cette période difficile que je connais bien. Il était bien difficile aux pouvoirs publics confrontés à l’époque à une crise de liquidités imprévue et d’une extrême sévérité de résister aux demandes pressantes de privatisation des grands bailleurs internationaux. Seule une politique de constitution d’une caisse de réserves financières dans les années de vaches grasse nous aurait permis d’éviter la liquidation de nos joyaux économiques au moment de la crise; ce que nous n’avons malheureusement pas fait. Nous devons maintenant éviter la répétition d’une telle expérience.
Q: Dette intérieure et Fonctionnaires fictifs quelle est votre analyse ?
RMM: Ce qu’il ne faudrait surtout pas faire au moment où le pays est en
ajustement structurel avec le FMI c’est de recourir à de nouveaux emprunts extérieurs pour payer la dette intérieure, et ne rien faire des fonctionnaires fictifs car ceci nous conduirait droit a la faillite. Il faudrait donc mener une lutte sans merci contre les fonctionnaires fictifs afin d’accroître progressivement les marges de manœuvres sur les arriérés intérieurs et en même temps accroître de manière équitable la fiscalité des ménages et des entreprises privées.
Q: Quel est votre avis sur le gouvernement de transition? y participeriez-vous ?
RMM: Je n’exclurais pas toute participation à un gouvernement de transition ou même à un gouvernement d’union nationale qui serait mis en place dans le pays. Je serais prêt a y participer si je suis sollicité.
Q: Votre mot de fin ?
RMM: Permettez -moi tout d’abord cher monsieur, de vous dire merci de m’avoir accordé cette interview qui m’a donné l’opportunité de présenter mon point de vue aux Camerounaises et Camerounais sur les sujets pressants d’actualité . J’espère avoir dans mes réponses été à la hauteur de vos attentes. En tout cas j’ai essayé autant que possible, de vous répondre sans détour. J’ai vraiment pris plaisir à échanger avec vous.
Entretien conçu et réalisé par Philippe Gérard Kuissu Mephou Philippe