ORIGINES ET SIGNIGNIFICATIONS DES NOMS DES PAYS AFRICAINS
Derrière les noms des 54 États africains se cachent bien des histoires et autant de langues, coloniales ou pas. De l’Algérie au Zimbabwe, voici l’Afrique de A à Z, une série en quatre épisodes. Aujourd’hui de l’Algérie à Djibouti.
La ville d’Alger a donné son nom au pays, son sens provenant de l’arabe El-Djazaïr, « les îles », en raison des îlots situés en face du port. Dès 950, la ville est ainsi nommée par le fondateur de la dynastie berbère Senhadja, qui la reconstruit sur les ruines de l’ancienne Ikosim pour les Phéniciens, Icosium pour les Romains. Les lieux s’appelaient déjà Djaza’ir Beni Mezghenna, les « ilôts » des Beni Mezghenna, du nom de la tribu berbère Aït Mezghen, comme l’explique le site officiel de la mairie d’Alger.
Hérité du colonisateur britannique, fondateur de l’Union d’Afrique du Sud en 1910, ce nom se décline dans les 11 langues nationales reconnues par la République depuis 1994 dont « yaseNingizimu Afrika » en isizoulou et « iRiphabliki yomZantsi Afrika » en isixhosa. Le pays est souvent appelée Mzansi par ses ressortissants, un surnom familier dérivé de « umzantsi », « Sud » en isixhosa. L’opposant populiste Julius Malema milite pour que le pays soit rebaptisé « Azania », comme les Grecs anciens appelaient l’Afrique orientale et australe. Le mot porte une charge politique spéciale, puisqu’il a été utilisé dans les années 1950 et 1960 par le Congrès panafricain (PAC), concurrent du Congrès national africain (ANC). Radical, ce parti ne voulait pas de compromis avec les Blancs.
La « Repubilika ya Ngola » dans son appellation officielle en kikongo tire son nom du mot kimbundu « Ngola ». C’était le titre du monarque de l’ancien royaume de Ndongo, formé par le peuple bantou Ambundu, allié des Portugais.
L’ancien Dahomey est devenu en 1975 la République populaire du Bénin, d’obédience marxiste, sous la férule de Mathieu Kérékou. La République perd son caractère populaire, mais conserve après 1990 son nom de Bénin, éponyme de la ville de Benin City au Nigeria. Le mot est lui-même tiré de la prononciation portugaise de « Ubinu », l’un des royaumes les plus forts que le colonisateur ait rencontrés en 1472, alors situé dans l’actuel sud-ouest du Nigeria, dans la région du Delta du fleuve Niger. Ce nom viendrait du mélange du mot yoruba « Oba », gouverneur, et de « Bini », le nom du peuple Edo.
L’ex-protectorat britannique du Bechuanaland porte depuis son indépendance en 1966 le nom de sa communauté la plus importante, les Tswanas (79 % des 2,2 millions d’habitants). La nationalité se dit motswana au singulier et batswana au pluriel. Attaché à ses racines d’éleveurs sédentaires, ce peuple vit à cheval entre le Botswana et l’Afrique du Sud, qui compte le setswana parmi ses 11 langues nationales. De manière paradoxale, c’est l’Afrique du Sud qui rend hommage aux premiers habitants de l’Afrique australe, les Xhoisan (ou « Bushmen ») avec ses armoiries dans leur langue. Au Botswana, cette minorité est plus nombreuse qu’en Afrique du Sud, mais marginalisée.
Le « pays des hommes intègres » reste marqué par la mémoire de son fondateur, le capitaine révolutionnaire Thomas Sankara, assassiné en 1987. L’appellation efface en 1984 l’ancien nom colonial de République de Haute-Volta et réconcilie les deux principales langues du pays, avec un mot en moré (« Burkina », l’intégrité) et l’autre en dioula (« Faso », la patrie). S’y ajoute une touche d’al pulaar avec le suffixe « bè » dans le terme Burkinabè, le nom officiel des ressortissants nationaux, invariable en genre et en nombre, n’en déplaise aux règles de la grammaire française.
Le Burundi n’existe-t-il que par opposition au Rwanda ? Selon une idée défendue par certains Burundais, en kirundi et kinyarwanda, deux langues sœurs, le Burundi viendrait du mot « Urundi », qui signifie « l’autre ». Le Burundi, est-ce donc « l’autre Rwanda », un royaume antérieur à la fondation de celui du Burundi, avec lequel il est ensuite entré en conflit pour le contrôle des terres et des pâturages ? Des chercheurs burundais estiment qu’il n’en est rien, cet édifice reposant sur une méprise introduite par l’appellation coloniale de Ruanda-Urundi par les Belges pour les deux territoires. Les experts se questionnent sur l’éthymologie du mot « Uburundi », qui viendrait du verbe kurunda, « regrouper, rassembler » en kirundi, évoquant le regroupement de petits royaumes. Une interprétation qui ne fait pas consensus.
Montagne ou crevette ? Le pays du Mont Cameroun, massif volcanique qui culmine à 4070 mètres, tire en fait son nom du portugais « Rio de Camarões » (rivière de crevettes). Un reflet de l’étonnement de l’explorateur portugais face à l’abondante faune du fleuve Wouri. Il a été ensuite anglicisé par les Britanniques.
« Cabo verde » ! Ce que clament en 1460 deux navigateurs portugais, à l’approche de cet archipel volcanique et verdoyant de l’Atlantique, est aujourd’hui le seul nom officiel du petit État insulaire. Les autorités de Praia ont demandé en octobre 2013 au système des Nations unies de le reprendre tel quel, en tant qu’appellation unique et officielle, avec prière de ne plus le traduire.
Le paradoxe n’a rien d’anodin : doté d’un nom africain tiré de deux cours d’eau durant la période coloniale, l’Oubangui-Chari se choisit un nom français, République centrafricaine, à son indépendance en 1958. Enclavé au cœur de l’Afrique centrale, en proie à une instabilité politique chronique, cet État « failli » et divisé est devenu emblématique des frontières artificielles héritées de la colonisation.
De l’arabe Djuzur al Qamar, « les îles de la Lune » s’appellent Udzima wa Komori, l’Union des Comores, leur nom officiel en swahili. Situé sur la route des moussons, dans l’océan Indien, cet archipel autrefois organisé en sultanats témoigne de l’influence arabe et perse sur toute la côte orientale de l’Afrique.
Aussi appelée Congo-Brazzaville, par opposition au grand Congo-Kinshasa qui lui fait face, cette petite République aurait pu s’appeler Pedrao (« pilier » en portugais), le nom donné au fleuve qui la borde, à l’arrivée des Portugais. Le colon s’est ensuite rabattu sur « Congo » pour dénommer le fleuve et le pays, en raison de l’existence du royaume Bakongo.
L’eau du fleuve, encore elle, a inspiré en 1971 à Mobutu Sese Seko le nouveau nom de Zaïre. C’est la prononciation en portugais du mot « nzadi », « eau » en kikongo. Laurent-Désiré Kabila a rendu en 1997 à la RDC son nom de l’Indépendance, en 1960. L’ancien Congo belge (1908-1960), propriété personnelle du roi Leopold II, était autrefois appelé Congo-Léopoldville, avant que la capitale ne devienne Kinshasa en 1966.
C’est l’un des rares pays à avoir conservé son nom colonial, reflet de l’importance du commerce d’ivoire, alors que l’actuel voisin ghanéen s’appelait « Côte de l’Or » (1821), et le Bénin et le Togo « Côte des Esclaves ».
L’ancien Territoire français des Afars et des Issas (TFIA, 1967-77), garde son mystère. Son nom est-il dérivé des mots afar gabouti « natte de fibres de palme » – ou gabod, « les plateaux », devenu gabouti en arabe ? De djab-outi, qui voudrait dire « l’ogre a été vaincu » en langue somalie, en raison du mythe d’une bête féroce ? La version la plus répandue porte sur l’origine arabe du mot, dji but, une interrogation de la vie quotidienne : « Le boutre est-il arrivé ? ».
Source : RFI