OU BIYA ACCEPTE LE FÉDÉRALISME, OU LES ANGLOPHONES LE CHASSENT
La position du Ministre GARGA HAMAN ADJI, candidat aux élections présidentielles de 2018 sur le Fédéralisme à 4 Etats montre l’intelligence de l’homme et conforte l’impossibilité opérationnelle de maintenir plus longtemps l’Etat unitaire qui est devenue une véritable bombe placée sur nos têtes.
L’Etat unitaire, devenu franchement criminel, a commencé par alimenter une Sécession qui ne peut jamais s’arrêter tant que ce système abominable est maintenu. Et s’il persiste, nous allons voir pire ! En réalité, la Sécession anglophone n’est que le premier coup de sémonce, la première fissure à un édifice de mensonge, d’imposture et de haine, qui n’a été entretenu que par le chantage, le battage idéologiquee et la brutalité, mais qui a atteint ses extrêmes limites.
Certains n’ont pas encore bien compris la nature de la Sécession et continuent à vivre dans la nostalgie d’un Cameroun où un Etat tout-puissant pouvait imposer son ordre et ses « unité nationale » administrative par des arrêtés des sous-préfets et des coups de fouet des commandants de brigade.
Incapable de faire le deuil de ce Cameroun-là, ils se refusent à voir la réalité en face, élaborent des scénarios puérils pour rétablir la situation antérieure et s’imaginent qu’il existe une méthode pour revenir à un modèle où une administration imposait sa paix à coup de dogme et de brutalité.
Avec la Sécession anglophone, ce modèle est terminé et les vociférations ne servent absolument à rien. La Sécession se prétend un mouvement de libération et partout où un tel mouvement a été déclenché dans l’histoire, ce sont les mêmes attitudes qui se répètent comme un disque rayé.
A toute époque et dans tous les pays depuis le début de l’Humanité, les Gouvernements les ont toujours traités de « minorité de bandits terroristes qui violent et qui tuent, des marginaux qui ne représentent rien, etc. » Et tous ceux qui ont essayé d’appeler à la raison ont toujours été qualifiés de traitres à la Nation, de soutien à la Sécession, etc.
De son côté, la Sécession anglophone se comporte comme toutes les Sécessions du monde, et d’une manière générale, comme tous les Mouvements de libération. Elle traite le Gouvernement comme une force brutale d’occupation criminelle et illégitime, attaque les insignes de l’Etat, tue les agents publics et les soutiens locaux assimilés aux traitres, se finance avec des expédients que sont le rapt, les casses, les prises d’otages accompagnées de rançon, et des impôts informels.
La Sécession anglophone et le Gouvernement du Cameroun n’inventent donc rien !
Le plus important, ce n’est donc pas la répétition de ce jeu éternel, mais la démarche à suivre pour mettre fin au conflit.
Dans ce cas, il ne faut pas se claquemurer dans une sorte d’exceptionnalité camerounaise, mais tirer les leçons à partir des Sécessions du monde. Leur observation attentive nous permet d’identifier les paramètres centraux qui régissent leur comportement et oriente à la bonne solution.
D’une manière générale, toute Sécession dans le monde moderne est déterminée par 5 facteurs :
I. LE RAPPORT RELATIF DE LA POPULATION
Il s’agit ici de la fraction de la population couverte par le mouvement sécessionniste et qui permet d’évaluer la possibilité de son contrôle. Si cette fraction est faible et représente 1% de la population, général le mouvement peut être contenu par des moyens de force dans le cadre d’un Etat unitaire ou d’une autonomie plus ou moins large. On peut citer :
1. Le Cabinda : 750.000 individus contre 27 Millions d’Angolais, soit un rapport de moins de 3%.
2. La Casamance : 450.000 habitants contre 16 Millions de sénégalais, soit 2%.
3. Le Sahara Occidental : 571.000 Habitants, contre les 36 Millions d’habitants de Marocains, soit 2%.
4. La Corse : 330.000 habitants, contre 60 Millions pour la France, soit un rapport de 0,5%
5. La Tchétchénie ; 1,4 Millions d’habitants, contre 145 Millions pour la Russie, soit 1%.
6. Le Tibet : 6,4 Millions d’habitants, contre 1,4Milliards, soit moins de 1%.
7. L’Irlande du Nord : 1,8 million contre 60 Millions pour le reste, soit 3%
8. Le Timor Oriental, avec 2% de la population
A contrario, si la Sécession couvre couvre une part importante de la population (plus de 5% des effectifs), elle connaît trois évolutions possibles : soit elle est contenue dans le cadre d’un Etat fédéré, soit elle obtient son indépendance, soit elle maintient une guerre permanente qui ne peut pratiquement pas être contenue
C’est notamment les cas suivants :
1. L’Erytrée : 7,2 Millions contre 100 Millions d’Ethiopiens, soit 7% (sécession)
2. Le Soudan du Sud : 8 Millions contre 40 Millions, soit 20% (sécession)
3. Le Biafra, 15% de la population (fédération)
4. Le Somaliland, 20% de la Somalie (sécession)
5. Le Kurdistan Irakien, 20% (confédération)
6. Le Kurdistan Turc (guerre interminable).
La population n’est certes, pas un critère absolu, mais elle est déterminante pour l’orientation à donner pour contenir un mouvement sécessionniste. Lorsque la population rebelle dépasse 5%, elle n’est plus gérable dans le cadre d’un Etat unitaire.
La population anglophone qui représente 20% au Cameroun étant largement en dessus de ce seuil, il est anthropologiquement impossible de maintenir l’Etat unitaire au Cameroun. La population couverte par la rébellion est beaucoup trop importante pour la contrôler.
II. LA PRETENTION HISTORIQUE A UN ETAT
Une autre source puissante d’incitation à la séparation apparaît si la Communauté rebelle a eu par le passé une organisation étatique propre ou des arguments lui faisant croire qu’elle en avait droit. Dans ce cas, cette histoire exerce une piqure de rappel et entretient la nostalgie d’une liberté que la communauté avait auparavant et qu’elle a perdue.
C’EST POUR CETTE RAISON QU’ON NE SUPPRIME JAMAIS UNE FEDERATION !!!
Une telle suppression suscite une nostalgie inextinguible sur ce passé d’autonomie qui leur parait un âge d’or. L’époque est alors sublimée, transfigurée, et transformée en une drogue pour maintenir la lutte.
Il n’existe aucun cas dans l’histoire humaine où on ait supprimé une fédération sans aboutir à une guerre de Sécession.
Dans le cas du Cameroun, la prétention des Anglophones à un Etat est légitimée par la nature proto-étatique du Southerns Cameroons et son autonomie fédérale de 1961 à 1972. Les Anglophones ne peuvent jamais oublier cette époque où, de manière rétrospective, ils ont l’impression qu’ils vivaient comme au Paradis, même s’il n’en était rien dans les faits.
III. L’INTENSITE DU CLIVAGE
Un troisième facteur va se situer dans l’éloignement sociologique de la Communauté rebelle par rapport au reste. Cet éloignement peut se spécifier par une culture, une histoire, une anthropologie ou même un mode de production.
Quand cette spécificité est très visible au quotidien, elle développe un désir intense d’autonomie qui, s’il n’est pas satisfait, débouche à un mouvement séparatiste.
Dans le cas anglophone, la visibilité est assurée par l’hégémonie des deux langues coloniales qui entérinent de fait deux communautés linguistiques. Dans ces conditions, les parentés sociologiques entre le Sud-ouest et le Littoral ou entre le Nord-ouest et l’Ouest n’ont aucun caractère fonctionnel, puisque notre modèle d’organisation étatique n’est pas basé sur des cultures locales.
C’est donc le clivage entre ces deux langues qui est pertinent, et non les parentés sociologiques. Et c’est pour cette raison aussi que toute stratégie visant à opposer le Sud-ouest au Nord-ouest, comme le tente désespérément le Gouvernement, dans l’espoir de diviser la Sécession est intrinsèquement vouée à l’échec.
IV. L’ACTION DE L’EXTERIEUR
L’extérieur, sous la forme des puissances coloniales, des puissances stratégiques, des multinationales ou même des pays voisins va également jouer un rôle important dans le comportement de la Sécession. Les intérêts peuvent être multiples : désir d’affaiblir un Etat ou d’éviter l’instabilité, maîtrise des matières premières, vente d’armes, etc.
C’est de ce point de vue que la présence des matières strratégiques comme le pétrole ou les minerais peut pousser les puissances extérieures à favoriser la sécession, alors que la peur de l’instabilité peut conduire à son étouffement.
Ces aspects stratégiques sont très importants dans le cas des sécessions kurdes : la peur de voir le démantèlement des Etats au Moyen-orient crée une collusion entre les pays occidentaux et les pays concernés (Iran, Irac, Turquie) pour combattre toute perspective de succès d’une sécession. L’effet d’avalanche serait en effet désastreux dans une région très instable productrice du pétrole.
Dans le cas de la Sécession Anglophone, il y a des facteurs qui la favorisent, comme le pétrole et l’action de la Diaspora, mais on trouve aussi des facteurs rédhibitoires comme la peur de la contagion au Nigeria, l’instabilité du Golfe de Guinée et l’explosion même du Cameroun, beaucoup trop disparate pour éviter une somalisation devant un tel choc.
V. LA REPONSE DU POUVOIR CENTRAL
Face à des tendances sécessionnistes, la réponse du Gouvernement sera déterminante dans l’évolution de la rébellion. Ce qu’il doit absolument éviter, c’est de nier la spécificité de la communauté rebelle, car ce déni est particulièrement mal vécu et lui transmet le message d’une Communauté colonisée et définitivement absorbée. Par exemple, la phrase « la forme de l’Etat est non négociable » fut la plus terrible erreur devant le mouvement anglophone, car cela suffisait à fouetter leur fierté et à allumer le feu.
La meilleure réponse qu’un pouvoir central fait à une sécession est simplement l’autonomie.
En définitive, la Sécession est une rébellion très complexe qui n’a rien à voir avec les autres formules de défi de l’Etat. L’examen de toutes les Sécessions dans le monde montre que le Cameroun unitaire n’a pas les moyens de contrer la Sécession anglophone, et qu’en définitive, celle-ci va l’amener à genou comme un ver de terre.
Ceux qui nous ont embarqués dans cette histoire sont de vrais criminels. Il fallait prendre acte, comme nous l’avions demandé, que l’Etat unitaire était contre nature et ne pouvait plus survivre au Cameroun.
Dès lors, la seule position intelligente était de proclamer la Fédération en dix Etats, en la présentant comme une évolution naturelle pensée par le dispositif gouvernant, ce qui aurait pu faire apparaitre le régime de Biya comme des gens particulièrement intelligente.
Par la même occasion, il étouffait définitivement le problème anglophone en le noyant dans une spécificité généralisée.
Mais on voit bien que nos dirigeants ne comprennent rien du tout et entretiennent leurs chimères de restaurer la discipline unitaire.
Ils se comportent comme s’ils contrôlaient encore la situation alors qu’ils ne contrôlent plus rien du tout.
En tout état de cause, le Cameroun n’a pas les moyens politiques, économiques, financiers, diplomatiques pour vaincre militairement la Sécession anglophone.
Et c’est de la pure folie que de persister dans cette aventure sans tête, ni queue, car il faut le dire clairement : la Zone anglophone n’est plus récupérable par l’Armée d’un Cameroun unitaire.
Bien plus, cette guerre sera une boucherie où va se noyer l’Armée camerounaise et elle finira par la victoire de la Sécession.
Je l’ai dit dès le premier jour et mes analyses scientifiques ne se trompent jamais ! Il n’y aura plus jamais un seul jour où la Région anglophone sera contrôlée par l’Etat unitaire du Cameroun.
Il faut mettre définitivement fin à cette expérience et passer à autre chose.
En réalité, le régime se rend-il compte que son entêtement de mule va entraîner sa chute ?
Biya ne sera pas battu aux élections, mais s’il persiste dans son entêtement, il va tomber dans le problème anglophone.
Dieudonné ESSOMBA