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OUSMANE SONKO PARLE AUX CAMEROUNAIS

Le Sénégal c’est un pays que je connais pour y avoir vécu et etudié. Comme la majorité d’africains, je suis dès lors affligé par les événements en cours. J’adresse d’ailleurs mes profondes condoléances aux familles des victimes ainsi que mon soutien à la jeunesse sénégalaise qui refuse le bafouement de l’Etat de droit. Car faut il le rappeler, en Afrique Francophone le Sénégal fait figure de seul État plus ou moins démocratique.

Mais pour comprendre ce qui s’y joue, il faut d’abord situer les événements dans un contexte plus général : celui du troisième mandat de Macky SALL. En effet, l’actuel président du Sénégal est arrivé au pouvoir en 2012. Mais alors que la constitution l’autorise à effectuer deux mandats, le président sénégalais est engagé depuis trois ans des manœuvres pour obtenir un troisième mandat après 2024. Il a d’ailleurs fait réviser la constitution en 2016 pour créer un brouillage. Ouvrant ainsi la voie à une éventuelle candidature en 2024. Ce dont la majorité des sénégalais désapprouvent.

A ce contexte politique, il y a le contexte économique où les sénégalais ont le sentiment que le régime de Macky SALL ne profite qu’à une minorité et aux Étrangers. Ils accusent le régime d’être extrêmement corrompu. Les inégalités sociales et économiques se sont creusées et Dakar est le pôle par excellence pour observer cet écart avec une jeunesse de plus en plus paupérisée. Comme les sénégalais eux mêmes disent : « l’argent a disparu ». A tel enseigne qu’ils sont nombreux à regretter Abdoulaye Wade.

C’est donc dans ce double contexte politique et économique que se déclenche l’affaire SONKO

1- UN SENTIMENT DE COMPLOT

Ousmane SONKO est aujourd’hui le principal adversaire de Macky Sall. Pour sa première participation à une élection présidentielle, il avait obtenu 19% des suffrages. Principalement ceux des jeunes dont le discours « anti système » séduit. Agé de 46ans, député à l’Assemblée nationale, il apparaît comme incorruptible aux yeux des jeunes sénégalais.

C’est dans cet environnement que s’est déclenché ce qui est connu aujourd’hui comme « l’affaire SONKO ». L’histoire d’une masseuse qui accuse le président du PASEF ) parti de SONKO) de l’avoir violé dans un salon de beauté. Au départ, c’est l’emballement médiatique. SONKO dément et accuse la fille d’être manipulée. C’est donc à la justice de trancher.

Mais au fil des jours, avec la fuite dans les médias des auditions, le dossier apparaît progressivement comme vide et valide dans l’opinion publique la thèse de manigances orchestrées au sommet de l’Etat. Surtout que les déclarations des proches de la fille mettent de l’huile sur le feu.

Cependant, l’accélération de la procédure judiciaire avec la levée de l’immunité d’Ousmane SONKO convainc non plus seulement ses partisans mais l’opposition et la société sénégalaise qu’il s’agit d’un complot. Convoqué pour son audition, SONKO après de multiples tractations et conseils décide de s’y rendre. Mais en chemin, c’est le préfet de Dakar qui veut lui imposer un intineraire. Il s’y oppose. Il est arrêté par la gendarmerie et placé en garde à vue non pas pour les accusations de viol mais pour trouble à l’ordre public. C’est la goute d’eau qui fait déborder le vase. Le Sénégal prend feu.

2- SACCAGE DES ENTREPRISES FRANÇAISES.

La chaîne de magasins  AUCHAN , dénombre 20 magasins saccagés. Ce n’est pas la première fois. Régulièrement les entreprises françaises sont ciblées pendant les manifestations. Mais cette fois ci c’est énorme. L’on est passé de 3 à 4 magasins à 20 magasins. Les stations TOTAL saccagées. Car dans l’imaginaire populaire les jeunes sénégalais accusent la France de soutenir Macky SALL.

D’ailleurs, Macky SALL lui même ne manque pas de souligner sa vassalité à la France. Lui qui était à Paris après les attaques de Charly Hebdo. Macron a effectué une visite à Dakar où ils ont dansé ensembles. Régulièrement les deux vantent leur amitié. Pour les sénégalais nul doute: Paris soutient la tentative de Macky SALL de briguer un troisième mandat. A cela se mêle un sentiment fortement répandu sur le fait que l’arrivée de Macky SALL au pouvoir a entraîné un retour en force des entreprises françaises qui gagneraient actuellement les marchés les plus importants. Le lien est donc très vite fait: S’en prendre aux intérêt français, c’est s’en prendre à Macky Sall et vice versa.

3- LA MOBILISATION DE LA JEUNESSE

Comme dans la majorité des pays africains, plus de la moitié de la population sénégalaise est jeune. Mais c’est également une jeunesse très politisée, ainsi que la société qui a une longue tradition de lutte démocratique. Les corps intermédiaires ( les syndicats) sont très influents et moins corrompus. La préservation des acquis démocratiques est chère aux Sénégalais et d’ailleurs cet image fait leur fierté y compris à l’international.

Il faut se souvenir que ce sont ces jeunes qui en 2011 s’étaient mobilisés avec le mouvement Y’en À Marre contre un troisième mandat d’Abdoulaye Wade , l’homme qui a fabriqué Macky SALL. Ils se sont encore mobilisés en 2012 aux côtés du Mouvement de l’opposition M23 pour empêcher Wade de frauder les élections et ont porté Macky SALL au pouvoir. D’ailleurs c’est fort de ce soutien des jeunes que Macky déclarait : « si Wade ne quitte pas nous irons le déloger ».

C’est donc une jeunesse qui a une forte et longue tradition de mobilisation. Car elle a aujourd’hui la conviction que l’homme qu’elle a porté au pouvoir en 2012 utilise les institutions pour se maintenir au pouvoir à vie. Elle n’a pas oublié qu’en mars 2013, Macky SALL fait enfermer Karim Wade pressenti comme son principal opposant. En mars 2017, c’est autour du maire populaire de Dakar, Khalifa SALL d’être arrêté et jeté en prison. Lui également était la figure montante de l’opposition face à Macky Sall. Lorsqu’en mars 2021, Macky Sall veut de nouveau jeter Ousmane SONKO qui est son principal adversaire en prison, c’est la goute d’eau qui fait déborder le vase.

Le pouvoir est accusé de corruption et de népotisme. Pour les sénégalais, le boom économique ne profite « qu’aux amis de Macky Sall » qui veulent se maintenir le plus longtemps aux « affaires ».

Derrière l’affaire SONKO ce qui se joue à Dakar c’est principalement trois choses: la lutte pour l’Etat de droit, des revendications pour une meilleure gouvernance économique et le rejet de la politique française en Afrique.

Macky Sall passera t’il ? Je ne saurais vous répondre mais ce que je sais c’est qu’il est très têtu et n’écoute pas y compris ses proches. Mais il a face à lui une jeunesse déterminée. Entre 2011 et 2012, dans les manifestations qui ont empêché le troisième mandat d’Abdoulaye Wade et une victoire de Macky Sall, il y avait eu 12 morts.

Les événements des prochaines heures à Dakar seront déterminants pour la suite des événements.

BORIS BERTOLT

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