Accusé levez-vous Afrique Politique

PAUL BIYA A UTILISÉ LE PEUPLE EKANG-BETI COMME SON MARCHEPIED POUR CONFISQUER LE POUVOIR

Par Michel Biem Tong, journaliste web en exil

Lorsque le 6 novembre 1982, Amadou Ahidjo, peuhl originaire du Nord, cède le pouvoir à Paul Biya, un bulu (sous-groupe ethnique du peuple beti, au centre, sud et est du Cameroun), l’élite politique et administrative d’origine beti saute de joie et se dit « notre tour est arrivé, celui des haoussas est passé ! ». Elle forme autour du pouvoir de Paul Biya une clientèle politique. Le 6 avril 1984, un groupe de jeunes sous-officiers de l’armée camerounaise réunis au sein du mouvement J’OSE et pour la plupart originaires du Nord, tente de s’emparer du pouvoir par la force. Dans un message radiodiffusé (qui n’ira pas au-delà de Yaoundé), les putschistes dévoilent leur motivation : « tout se passe comme s’il fallait se remplir les poches le plus vite possible avant qu’il ne soit trop tard ». Très évocatrice comme phrase.

Rappelons que le ministre des Forces armées de l’époque (Andze Tsoungui) ainsi que la majorité des officiers généraux et supérieurs (Semengue, Asso’o Emane, Ebogo Titus…) qui ont aidé à désamorcer la tentative de coup d’Etat d’avril 1984 était des ékang. D’aucuns se risquent à dire que ce vrai-faux coup d’Etat était une histoire montée de toute pièce par les nouveaux occupants du palais d’Etoudi pour liquider tous les fidèles d’Ahidjo au sein de l’armée et de l’alors Garde Républicaine (devenue Garde Présidentielle). Après une parodie de procès au Tribunal Militaire de Yaoundé, une centaine de gendarmes et de militaires originaires du Nord seront en mai 1984 condamnés à mort, fusillés et enterrés dans des fosses communes à Mbalmayo et à Mfou (à une dizaine de kilomètres de Yaoundé).

Depuis lors, certains tristes personnages issus de ce peuple pourtant noble de la forêt équatoriale (auquel l’auteur de ces lignes est rattaché par des liens de parenté) considèrent le pouvoir politique comme l’affaire des ékang, « leur chose » comme on dit vulgairement au Cameroun. Ainsi, il est parfois aisé d’entendre des formules idiotes du genre «après Biya, ce sera Biya », « nous sommes des seigneurs, des essingans, nés pour gouverner », etc. Critiquez la gouvernance chaotique et villageoise de Biya et vous aurez ce groupe ethnique sur votre dos. Si en le faisant, vous êtes beti, on vous rappellera que vous avez trahi la famille, la tribu.

Au début des années 1990, pour faire face au soulèvement des étudiants de l’Université de Yaoundé réunis au sein du « Parlement » et qui revendiquaient le retour au multipartisme, le pouvoir Biya a armé de machettes et de gourdins des milices telles que Nkul Nnam, Cafe, constituées exclusivement de jeunes betis. 30 ans après, pour contenir l’activisme des membres de la Brigade anti-Sardinards (BAS), un mouvement anti-Biya des Camerounais de la diaspora, le régime de Yaoundé a créé une Brigade des Patriotes animée pour la grande majorité des membres par des beti.

Dans son récent rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, le département d’Etat américain fait remarquer que l’ethnie du Centre-Sud (allusion faite au peuple ékang) contrôle tous les leviers du pouvoir. Dans l’armée, la police, la gendarmerie, la Garde Présidentielle, les renseignements, la justice militaire, les sociétés d’Etat juteuses (Port de Douala, Caisse autonome d’amortissement, Agence de régularisation des télécommunications, etc.), le ministère des Finances, la magistrature, la préfectorale, elle est prépondérante. Mais attention ! Que le peuple ékang s’enfonce dans le cerveau que Paul Biya s’est servi et se sert de lui pour rester au pouvoir le plus longtemps possible. Qu’il sache que Biya, c’est sa femme Chantal Biya, ses enfants (Franck, Junior, Brenda), ses beaux-fils Patrick et Franck Hertz (jumeaux de Chantal Biya), ses amis hommes d’affaires français, son armée (davantage le Bataillon d’intervention rapide et la Garde présidentielle) et ses services secrets. Point. Tout le reste n’est que du papier jetable pour lui.

Que le peuple ekang (ewondo, eton, bulu, ntumu, mvae, menguissa, nang’ebok, bene, mvele, yebekolo, maka, etc.) arrête de considérer comme sien un pouvoir qui ne lui aura apporté que malheurs, misères et souffrances. Eh oui, le peuple qui a le plus pâti du pouvoir criminel, prédateur et terroriste de Biya c’est bien celui beti.

Le Centre, le Sud et l’Est constituent depuis 1992, un important vivier électoral où Paul Biya et son parti, le RDPC, récoltent des scores électoraux brejneviens allant jusqu’à 80%. Mais que réserve l’homme fort d’Etoudi aux populations locales ? Des conditions de vie misérables et indignes. D’Abong Mbang à Esse, en passant par Batouri, Mvengue, Sa’a, Monatele, Ngomedzap, Akok Bekoue, Dzeng, Minta, Nanga Eboko, Bibey, Ayos, Binguela et même Mvomeka’a (village présidentiel), le quotidien n’est rythmé que par l’absence d’eau potable, l’absence d’énergie électrique ou les délestages là où on en trouve, les voies d’accès impraticables, l’habitat digne de l’âge de la pierre taillée, l’absence d’école de qualité et de centres de santé, etc.

Par ailleurs, la plupart des libres penseurs assassinés par le régime Biya sont des betis. Tels que l’abbé Joseph Mbassi, Me Ngongo Ottou, l’artiste bikutsi Sala Bekono, Père Engelbert Mveng, Ayissi Mvodo, Pius Ottou et Charles Ateba Eyene. D’autres tels que l’écrivain et historien Enoh Meyomesse ont connu la torture puis la prison. D’autres encore, l’exil, à l’instar des journalistes Ndzana Seme (aujourd’hui aux USA) et J.Remy Ngono (en France), du père Jean Marc Ela (mort en exil au Canada en 2009).

En perspective de la présidentielle de 2011, Paul Biya lance une opération d’épuration politique sous les dehors une opération dite de lutte contre les détournements de fonds publics encore appelé « Opération Epervier ». A l’origine de cette opération dite « mains propres », un rapport monté par ses services secrets (à la manœuvre, une crapule au nom de Joël Emile Bamkoui) et qui faisait état de l’existence d’un groupe de hauts commis de l’Etat qui s’activait en vue de la succession de Paul Biya en 2011. D’où le nom de G11 attribué à ce groupe. Parmi les victimes, des ministres, directeurs généraux de société et hauts cadre de l’administration d’origine beti parmi les plus brillants, compétents et dévoués à la cause des populations.

Ce que déteste Paul Biya qui se sent éclipsé. Seront happés par l’Epervier Emmanuel Gérard Ondo Ndong, Joseph Edou, Gilles Roger Belinga, Abah Abah Polycarpe, Urbain Olanguena Awono, Jean Marie Atangana Mebara, Jean Baptiste Nguini Effa, Ntongo Onguene, etc. La fine fleur de l’élite politique ékang.

Même le fils adoptif de Paul Biya, Edgard Alain Mebe Ngo’o, qui fut l’un des exécutants de cette purge politique du temps où il fut patron de la police (8-décembre 2004-30 juin 2009) a lui aussi subi les affres du rapace. Mebe Ngo’o est en prison avec son épouse depuis mars 2019.

Des dignes fils et filles ekangs ont trouvé la mort soit en prison soit une fois sortis des geôles à cause de ces emprisonnements arbitraires ordonnés par Biya. Il s’agit de Nkolo Fanga, de Dieudonné Angoula (tous deux cadres du ministère des Postes et Télécommunications), de Jérôme Mendouga (ancien ambassadeur du Sénégal et des Etats-Unis), de Henri Engoulou (ancien ministre délégué au ministère des Finances) et de Catherine Abena (ancienne secrétaire d’Etat au ministère des Enseignements secondaires).

D’autres ont eu plus de chance en trouvant une terre d’asile tels que l’ancien ministre des Travaux publics et ancien député RDPC de la Mefou Afamba, Dieudonné Ambassa Zang, exilé en France depuis août 2009, et l’ancien ministre des Finances, Essimi Menye, basé aux Etats-Unis. Tous deux ont écopé de condamnations à vie par le Tribunal criminel spécial du Cameroun, aux ordres du régime Biya.

La prison, les persécutions, l’humiliation, l’instrumentalisation et l’abandon. Voilà ce que subit l’homme beti sous Paul Biya en bientôt 38 ans de pouvoir. Il est risible de voir des individus qui parlent sans mandat au nom du peuple ekang se taper la poitrine en disant qu’ils protègent le pouvoir de Paul Biya car ce dernier est un patriarche ekang. Ce qu’ils ignorent est que non seulement ils ne sont que des objets dont Biya se sert pour sa gloire personnelle et le plein épanouissement de sa famille mais aussi que « l’Homme-Lion » pourrait les inscrire au menu de ses sacrifices sans états d’âme.

Voilà pourquoi la jeunesse et l’élite beti conscientes et patriotes doivent penser République et se joindre à tout mouvement visant à renverser Paul Biya et ces élites ekang inutiles qui consolident son pouvoir familial. Ce pouvoir qui a réussi à faire du Cameroun, une République ensauvagée et appauvrie dans tous les sens du terme. Pour les générations futures, qu’elles y pensent, si elles ont encore un brin d « ati », un brin de dignité.

Articles Similaires

Quitter la version mobile