PAUL BIYA, LE MORT-VIVANT QUI FAIT PEUR
Le Cameroun vit une crise essentielle depuis son indépendance. C’est un pays tenaillé par deux groupes d’acteurs : ceux qui aspirent à une indépendance véritable, à la liberté, à la démocratie et ceux qui sont pour le statu quo et la conservation à tous les prix, d’un pouvoir désormais usé, brutal et largement minoritaire au Cameroun.
J’ai souvent résumé la philosophie politique du régime BIYA, en cette formule lapidaire: « le mensonge comme méthode de communication, la paresse et l’inaction comme philosophie politique, la tricherie comme art de gouverner, la corruption comme clef du succès, le tribalisme et le népotisme comme méthode de management politique, la violence et la brutalité comme argument, le pouvoir pour le pouvoir et ses plaisirs comme objectifs ».
BIYA apparaît dans ce magma politique comme un despote honni et vomi par l’écrasante majorité de son peuple, qui use de la malice, de l’affabulation et surtout de la violence pour durer, sans aucune ambition, si ce n’est d’être là, de mourir au pouvoir et de donner en héritage le Cameroun à un autre ogre politique par lui créé, à son image.
Pour y parvenir, il faut s’imposer au peuple, il faut soumettre le peuple, il faut terroriser le peuple.
UNE POLITIQUE D’ASSUJETTISSEMENT ET DE TERRORISATION DU PEUPLE CAMEROUNAIS
Le Cameroun offre le spectacle effroyable d’un régime militaro-policier, dont les faits d’armes sont: les assassinats sommaires, les violations systématiques des droits de l’homme, la négation des libertés individuelles et politiques, les détournements massifs et sauvages des deniers publics, la corruption et le tribalisme.
Des images de guerre civile, d’immenses charniers, de mutilations, de violences policières en rapport avec l’expression des libertés politiques, des incarcérations, hantent les réseaux sociaux et autres média : C’est un tableau achevé d’un État sauvage.
Dans ce magma politico-social, cultiver la Peur de l’autre, la Peur du changement, la Peur d’exprimer son avis ou son mécontentement est savamment pensé et promu par les tenants du pouvoir, comme arme atomique pour juguler les démons du progressisme et s’éterniser…
LA PEUR DE L’AUTRE
S’il ya une chose que le régime RDPC a réussi en 38 années de déconstruction économique, politique, sociale et culturelle, c’est de canoniser au Cameroun, la discrimination par la tribu d’origine. Ce que l’on appelle couramment le tribalisme.
Se sentant ébranlé par un rejet populaire sans précédent, cette médiocratie active le levier tribal pour agréger dans ce piège à souris, quelques esprits faibles, à qui l’on présente l’autre comme le danger absolu, pour la survie de tous et contre lequel il faudra se battre par tous les moyens.
Cependant, une majorité de camerounais, font preuve d’une certaine maturité politique dans ce pays du tout relatif, y compris le bilan de Paul BIYA. Non tout n’est pas défendable, surtout pas le fiasco politique de Paul BIYA, dont le point culminant de l’œuvre de déconstruction nationale, est la guerre contre les Anglophones. Non, tout n’est pas relatif, même en politique.
Aucun camerounais ne devrait souffrir des errances d’un régime aux abois. Le Cameroun avec Paul BIYA apparaît irrémédiablement perdu.
LA PEUR DU CHANGEMENT
Un adage dit « quand on est couché, on ne peut que se relever ». Refuser la fatalité et croire en un Cameroun meilleur, doit être l’unique leitmotiv qui influence notre façon d’agir. Dans cet ordre d’idées, l’actualité politique a révélé aux yeux du monde un talent hors norme qui suscite l’adhésion de la majorité des camerounais. Maurice KAMTO, avec un panache remarquable et une intelligence politique qu’on ne lui connaissait pas jusqu’à lors, s’est démarqué. Il apparaît aujourd’hui comme la personnalité la plus à même de porter les espoirs de changement au Cameroun .
Ceux de nos compatriotes qui pour soutenir l’immobilisme au Cameroun, tentaient d’expliquer qu’il n’y a personne à même d’assumer avec compétence cette charge, ont perdu tout argument. Le peuple camerounais adhère avec un enthousiasme d’une rare dimension et d’une exceptionnelle qualité aux idées de Maurice KAMTO.
Cette adhésion a déclenché de la part des tenants du pouvoir, un concert de calomnies, de menaces, de haines et de brutalités, couronnées par l’arrestation et l’emprisonnement des principales figures de l’opposition camerounaise, dont Maurice KAMTO lui-même.
Défaits, les stratèges de la division et donc de l’isolement politique de Maurice KAMTO, ont cru devoir le présenter comme un « tribaliste » ou le candidat d’une tribu. Ce qui contraste évidemment avec la grande mobilisation populaire sans précédent, qu’il suscite sur l’étendue du territoire national.
A ce sujet, je veux ici apporter trois témoignages personnels: j’ai effectué mon premier cycle universitaire à l’Université de Yaoundé (Faculté de droit et Sciences Économiques). La promotion ou le soutien des étudiants en thèse et surtout leur recrutement comme enseignant, dépendaient aussi de l’appartenance ethnique des professeurs de rang magistral qui y avaient le pouvoir, en tant que doyen, chef de département ou recteur…C’est ainsi qu’on pouvait observer la prédominance dans le corps enseignant d’un département, de personnes de la même ethnie que celui qui a le pouvoir de décider.
Jamais dans nos discussions d’étudiants et plus tard de professionnels, à ce sujet, le nom KAMTO n’avait été cité, comme faisant partie des adeptes de cette forme de promotion par la tribu. Cette intégrité est connue de tous, dans les milieux universitaires au Cameroun. Il serait bon pour des hommes de sciences, d’apporter pour l’histoire, leurs parts de témoignages.
Autre témoignage: des confrères Bamiléké, Huissiers de justice en attente de charge, las d’attendre des années, voire des décennies pour certains, étaient allés voir le frère KAMTO, alors ministre délégué en charge de la justice, afin que ce dernier fasse avancer leur dossier de nomination à une charge d’Huissier de justice. Le ministre KAMTO les a habilement éconduits et ces derniers (ils se reconnaîtront et certains attendent encore) sont revenus profondément déçus par cet homme qui ne savait pas aider ses frères du village…
Pendant la dernière élection présidentielle, j’avais eu au téléphone un confrère et ami, auxiliaire de justice, originaire de Baham, avec qui j’avais essayé d’évoquer la situation politique au Cameroun. Ce dernier me dit dans un premier temps, qu’il est apolitique…C’est alors que malicieusement, je me montrais plus incisif en lui disant qu’il devrait s’y intéresser d’autant qu’un Baham, donc son « frère », était candidat à cette élection. Sortant brusquement de ce qui apparaissait comme une forme de réserve politique, ou de neutralité, il me lança: « surtout pas celui là, car au moment où il était aux affaires, il n’a rien fait pour les Baham, ni pour le village »…D’où le courroux du chef Baham à son endroit …
Voilà donc le tribaliste KAMTO qu’on présente aux camerounais. Le KAMTO que nous avons connu comme étudiants, est un homme de grande valeur intellectuelle et morale.
LA PEUR D’EXPRIMER SON AVIS OU DE MANIFESTER
Exprimer son avis par tous les moyens de communication ou organiser des manifestations publiques pour le faire, est devenu dangereux au Cameroun, d’autant qu’elle peut coûter la vie.
Il n’est pas rare de s’entendre dire à l’évocation d’une manifestation : « envoyez y vos enfants ou venez manifester ici, car nous ne voulons plus mourir ». Ce qui traduit une réalité terrible qui nous a conduit à la guerre dans les parties anglophones du pays: exprimer pacifiquement son opinion ou sa désapprobation, qui est un droit reconnu par la Constitution du Cameroun et par la déclaration universelle des droits de l’homme, peut vous coûter la vie au pays de Paul BIYA. Et ceci est accepté comme tel…
Cette peur est donc brandie, distillée et agitée par les adeptes du statu quo, pour décourager toute mobilisation populaire susceptible de mettre en difficulté ou de faire tomber ce régime moribond.
On se rend compte qu’ici, la consécration constitutionnelle de la liberté de réunion et de manifestation est un vœu pieux dans la pratique, pourtant elle est intrinsèquement liée à l’idée de démocratie, unique modèle politique reconnu par le droit conventionnel, qui sous-tend l’ensemble des libertés. Il ne saurait donc y avoir une démocratie à l’indigène ou à la camerounaise.
En tant que mouvement social, les manifestations sont des moyens pacifiques de défendre des droits. La liberté de manifestation ou le droit de chacun « d’être physiquement ensemble » offre au citoyen, le droit de s’opposer, y compris physiquement, aux détenteurs du pouvoir, par le biais des manifestations et des cortèges de protestation et de participer ainsi à la résolution de certains problèmes et aux choix politiques.
En somme,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas une déclaration de guerre,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas un appel à la violence,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas un acte de rébellion,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas être contre son pays, c’est davantage l’aimer,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas vouloir mourir, c’est aspirer à une vie meilleure,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas être contre la loi, c’est exercer un droit constitutionnellement reconnu,
· manifester pacifiquement, ce n’est pas réduire les droits d’autrui, mais c’est demander pour soi, davantage de droits,
· manifester pacifiquement, c’est simplement s’assumer comme citoyen en démocratie.
Le rôle de la police est donc, de promouvoir et d’encadrer ce droit. Toute violence à l’endroit d’un manifestant constitue une infraction de droit commun qui doit être réprimée comme telle .
Toutes les démarches juridiques, doivent désormais être envisagées y compris à l’endroit des donneurs d’ordre, pour que plus que jamais, aujourd’hui et demain ne soient plus comme hier.
LEVONS NOUS ET DEFENDONS NOTRE DROIT DE DIRE QUE NOUS NE SOMMES PAS CONTENT;
LEVONS NOUS ET DEFENDONS NOTRE DROIT D’EXIGER UN AUTRE DESTIN QUE DE NAÎTRE ET MOURIR DANS LA PAUVRETE ET LA DICTATURE.
Me Amédée Dimitri TOUKO TOM
Ancien Conseiller Juridique du SDF
Ancien Secrétaire Provincial du SDF OUEST
Militant – Analyste Politique