PAUL BIYA MEURT À PETIT FEU APRÈS AVOIR TUÉ LE CAMEROUN
Dieu peut-il encore sauver le Cameroun ?
Le 06 novembre 1982, j’avais 18 ans , et la force de l’âge aidant je rêvais en bleu , et croyais naïvement que je pouvais à moi tout seul , refaire le monde , à force de trancher .
À l’instar de tous les petits camerounais de mon âge à l’époque , je n’avais jamais connu pour président qu’Ahmadou Ahidjo . C’est peu de dire que nous nous en lassions un peu …
Aussi , accueillions -nous avec un certain enthousiasme et pour tout dire , un préjugé favorable l’avènement de Paul Biya , dont nous ignorions jusqu’au timbre de la voix .
Je me souviens de nos bagarres rangées , contre ceux que nous désignions alors comme les » nostalgiques de l’ancien régime » . Je me souviens de l’enthousiasme des étudiants boursiers , de Dakar à Paris , dont les bourses venaient d’être doublées .
Je me souviens de cette visite d’État à Paris , où sur le perron de l’Élysée , Popaul déclarait : » L’UPC en tant que telle n’a aucune existence légale au Cameroun . Mais je sais qu’il ya des camerounais qui se réclament de cette appellation , dont certains se trouvent en France . Mais je dis que s’ils veulent rentrer au Cameroun , ils peuvent le faire . »
Je me souviens , je me souviens et je me souviens de tant et de tellement de choses , si contraires aux promesses angéliques des slogans ( Rigueur et moralisation de la vie publique ) des premières années du Renouveau : » Pour exprimer ses idées , aucun camerounais ne sera plus contraint d’aller en exil . »
Ou encore cette autre variante , il est bien vrai que c’était avant la belle trouvaille sémantique de Joseph Owona , du concept d’allogène : » Chaque camerounais est partout chez lui au Cameroun , en tout endroit du territoire national , où il souhaite s’établir . »
On ne disait pas encore aux Bamilékés de rentrer » chez eux » , même s’il eut ce mouvement de panique générale , volontairement organisé pour arracher à Monté son collège à Yaoundé , et le mettre hors d’état de prendre » la place des autochtones » .
Je me souviens , de cette razzia quasi-systématique des entreprises publiques et para-administratives, organisée dans le but non avoué de fabriquer des » hommes d’affaires » artificiels , histoire d’entretenir une clientèle électorale , et installer une concurrence déloyale , à l’endroit des commerçants de l’Ouest et du Grand-Nord …
Je me souviens , de la véritable chasse au » Wajo » , consécutive à la tentative avortée du putsch du 6 avril 1984, où par camions entiers , on conduisait à la mort vrais coupables , et personnes innocentes sans aucune espèce de nuance , ou de discernement , sur la seule et unique base du faciès .
Je me souviens des années de braise , consécutives à la chute du mur de Berlin , et de l’effondrement du système communiste . Je me souviens des villes mortes , et du piège de la tripartie , dont Loïk Le Floch-Prigent , l’ancien PDF d’Elf dira des années plus tard , qu’elle fut obtenue grâce à l’avance de 45 millions de dollars , qu’il avait consentie à avancer au président camerounais , gagés sur les futures productions pétrolières . C’est donc avec ce magot , selon l’ancien PDG d’Elf , que l’inamovible locataire du palais d’Etoudi , parvint à corrompre et à retourner les opposants .
Du reste , Jacques Foccart et Guy Penne , respectivement messieurs Afrique de De Gaulle et de Mitterrand , ne disent pas autre chose , en affirmant dans leurs mémoires , que : » Paul Biya se maintient au pouvoir , en semant la zizanie au sein de l’opposition . »
Je me souviens de 83% de diminution de salaires , aggravée quelques temps plus tard , de 50% de dévaluation du franc CFA . Je me souviens du licenciement , de la quasi-moitié de l’effectif pléthorique de la fonction publique .
Je me souviens , de la grogne et même de la fronde des retraités , dont les pensions avaient été sous ordre du ministre des finances , ponctionnées à la source de la CNPS, pour payer les salaires des fonctionnaires .
Je me souviens du classement de la honte des ONG, attribuant au Cameroun , à deux reprises consécutives , le trophée indésirable du pays le plus corrompu de la planète , à plusieurs encablures devant le Nigéria .
Que restera-t-il , de l’intermède Biya ? Qu’en retiendront-les écoliers , lorsque dans 50 voire 100 ans , ils se pencheront sur les annales de ce règne ? Comprendront-t-ils , que leur lointain président , à table ne désaltérait, et agrémentait ses repas qu’aux grands crûs , à l’instar du Pétrus , à 25000 euros la bouteille , tandis que les hôpitaux du pays manquaient alors de tout y compris , jusqu’au coton que chaque patient devait amener de chez lui ?
Un pays où de faramineuses sommes d’argent , sont détournées en milliards , et où les patients couchent à même le sol dans les hôpitaux, et les bébés des parents incapables de s’acquitter de leurs frais de soins , sont tout simplement pris en otage ?
Et que dire de l’opposition politique ? Paul Biya est parvenu , non seulement à une opposition dite alimentaire , ou du ventre , mais il a en son sein suscité une autre catégorie d’opposants , ou d’anciens opposants malheureux , dont la spécialité semble consister à tirer sur les vrais opposants , suivis du peuple .
Y aurait-il chez eux , comme une sorte de hantise leur faisant redouter, que ceux qu’ils considèrent comme des opportunistes, du combat dont ils estiment être antérieurs à eux , et partant les seuls légitimes à en avoir prétention , leur ravissent la vedette ou leur dament le pion ?
L’après-Biya , sera une vraie gageure pour la cohésion sociale , et la paix civile , en cela qu’il aura en presque 40 ans sans discontinuer , d’un règne violent et arbitraire , suscité au sein de toutes les sphères de la société , y compris au sein de la diaspora , des petits » Paul Biya » en puissance , qui reproduisent presque mimétiquement , si ce n’est pire , l’exact comportement qui lui est reproché .
Même intolérance , même esprit de sectarisme , même esprit de couardise face à ses responsabilités , même incapacité à supporter la contradiction , etc…
Il n’ya que Dieu , s’il existe , qui reconnaitra les siens dans cet imbroglio
Jean-Pierre Du Pont