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PAUL BIYA MIS LES CAMEROUNAIS SOUS ANESTHÉSIE POUR COMA ARTIFICIEL PROLONGÉ

Le dictateur camerounais a mis le peuple sous anesthésie. Ainsi, un vieux dictateur reconnu pour sa paresse pathologique peut jeter en prison le chef de l’opposition sans que les Camerounais ne s’en émeuvent réellement. Maurice Kamto, à qui les chiffres vraisemblablement tronqués d’une commission électorale biaisée, ont accordé la deuxième place à la dernière présidentielle, est emprisonné depuis des semaines.

Où sont donc passés les 503.384 Camerounais qui ont, selon les chiffres issus du tripatouillage de la commission électorale, voté pour M. Kamto ? Ces « benskinner » (conducteurs de motos taxis) dont on nous dit qu’il suffirait qu’ils se révoltent pour faire tomber n’importe quel régime, sont-ils donc heureux dans la misère qui contraint beaucoup  d’entre eux à passer la nuit à la belle étoile ?

Je voudrais à ce niveau faire la mise au point suivante : je ne suis pas un partisan de l’opposant Kamto. Mais ceci étant, parce que je veux un changement dans cette contrée d’une Afrique dont je suis follement amoureux, il y a entre tous les opposants et moi-même une convergence d’intérêts autour de l’alternance, après 36 années de règne sans partage du roi fainéant.

Si même l’arrestation du principal opposant du pays n’a pas pu provoquer une vigoureuse réaction de la rue, nous devons nous plier au constat que ce pays est comme sous anesthésie. Le tyran Biya ’a bi-Mvondo Paul Barthélemy a plongé le peuple Camerounais dans une espèce de coma artificiel prolongé. Les faits de lutte des Camerounais semblent n’exister plus que dans une sorte de mémoire collective lointaine : une guerre d’indépendance (plusieurs milliers de morts et des villages entier incendiés) menée avec courage par nos parents, mais qui s’est soldée par une défaite, puisque ce ne sont pas les résistants qui arrivent au pouvoir, mais plutôt les vassaux du colonisateur ; le combat mené avec grande détermination pour la démocratisation en 1990 (plus de 600 morts, des milliers de blessés et des semaines de « villes mortes ») dont l’issue est un multipartisme certes intégral, mais dans une démocratie de pure forme ; la « révolte du ventre » de 2008 (plus de 100 morts) au cours de manifestations contre la vie chère, etc.

Aussi longtemps que l’on puisse remonter, l’histoire des luttes politiques et de la résistance populaire camerounaise est marquée par une litanie de défaites. Le peuple Camerounais manque donc cruellement de référence de gloire, qui constituerait l’élément de fierté nationale motivateur. L’inconscient collectif semble donc avoir intégré le fait qu’une résistance à l’autorité, toute contestation active de l’oppression et de l’injustice, n’aboutit qu’à rallonger la listes des martyrs qui ne sortiront jamais de l’anonymat dans lequel ils étaient avant d’offrir leur âme en sacrifice pour le salut collectif.

Dans un tel contexte, les Camerounais semblent avoir perdu toute envie d’action. Ils se sont réfugiés dans le verbe, généralement haut, et un phrasé d’invective. Le débat politique au Cameroun est confisqué par les crieurs, en lieu et place des penseurs totalement détachés de l’émotion aveuglante et donc handicapante. C’est sans risque pour le régime du dictateur qui laisse faire, surtout que tout le monde semble avoir bien intégré les limites de parole en apparence libre : on ne s’attaque pas frontalement au régime du pseudo-président de la république. On reste dans les généralités sans conséquence pour la survie du régime. On ne dit pas au peuple qu’il a le droit de s’indigner ; on n’instruit pas la masse sur l’impératif à crier sa douleur alors que les Camerounais végètent dans une misère indescriptible pour un pays doté d’immenses ressources naturelles et une population éduquée et travailleuse. Il y a comme un vodus vivendi entre ceux qui devraient être les sentinelles de la société (journalistes, analystes, universitaires et toutes sortes d’intellectuels, classe politique, prescripteurs sociaux), et le pouvoir. Vous avez le droit de parler de tout tant que vous respectez la ligne rouge que vous connaissez, et j’ai le droit de perpétuer mon auto-gavage, sur les deniers publics.

Au Cameroun, journalistes et toutes sortes d’experts autoproclamés en tout, invectivent Ouattara ; s’attaquent au CFA ; accusent avec véhémence la France néocoloniale ; dénoncent sans ambages l’impérialisme réel ou supposé. S’ils y consacraient autant d’intelligences et d’énergie à étaler les tares du régime Biya et à éduquer le peuple sur ses droits confisqués par le despote, il y a longtemps que le Cameroun aurait tourné la page Biya et retrouvé sa fierté.
Je me suis amusé, ces dernières semaines, à installer une veille sur 4 chaînes de télévision camerounaises parmi les plus populaires et le constat est déconcertant. En moyenne, 70% des débats politiques portaient sur des sujets extra-camerounais. Sur le Franc CFA, le débat se déroule comme si le Cameroun lui-même n’était pas un pays utilisant cette monnaie. Les dénonciations et les attaques étaient pour d’autres Chefs d’Etats, jamais contre le satrape Paul Biya, pourtant reconnu par tous les analystes comme l’un des sous-préfets les plus obéissants et dociles de la françafrique.

Comme on peut le constater, les combats des Camerounais sont donc ceux qui ne comportent pour eux aucun risque. Quel risque y a-t-il à s’attaquer à Ouattara et à insulter la France ? Aucun. Le seul acte courageux que nous attendons de ces donneurs de leçons qui font le tour des plateaux télés au Cameroun c’est la préparation du peuple à cette révolte pour la victoire finale. Le contexte est favorable et il y a en ce moment une fenêtre de lancement qui s’est ouverte : Les opposants croupissent en prison ; des journalistes qui ne faisaient que leur travail et des artistes engagés ont été arrêtés ; les organisations de défense des droits humains dénoncent ; plusieurs chancelleries occidentales expriment leurs préoccupation ; la misère n’a jamais été aussi grande.

Alors, chers donneurs de leçon, votre problème ce n’est ni Ouattara qui n’est pas président du Cameroun ; ni le franc  CFA dont les exemples de pays ayant leur propre monnaie incitent à la plus grande prudence ; encore moins de virtuelles puissances impérialistes qui n’attendraient que l’opportunité de se partager le gâteau Cameroun. C’est le régime, à travers les services de renseignement rompus aux méthodes d’intoxication et de manipulation, vous jette la prétendue convoitise néocoloniale comme un os serait balancé en directions d’une meute de chiens. Votre problème c’est le vieux despote (86 ans) qui règne en maître absolu sur le Cameroun depuis 37 ans. Ne pas œuvrer dans sa chute ; ne pas appeler le peuple à se soulever pour le renverser comme cela a été le cas partout où on est arrivé à bout des dictatures, c’est vous faire complice de l’assassinat du pays. Le Cameroun doit enfin sortir de ce long coma. Le peuple camerounais doit enfin pouvoir remporter une victoire politique. Le peuple camerounais mérite une victoire politique !

Saïd Penda

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