Afrique Politique

PAUL BIYA SUR LA MÊME FIN QUE MOBUTU

Quand j’observe l’évolution de la situation politique actuelle au sommet de L’Etat du Cameroun, il me revient fortement à l’esprit ce livre écrit par Honoré Gbanda Nzambo Ko Atumba, ancien conseiller politique et conseiller en sécurité de feu le Président zairois Moboutou Sesse Seko produit aux éditions Gideppe en 1998 et dont le titre est :

 » Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal Moboutou Sesse Seko ».

Il y ressort une similitude troublante, sans être totale, avec ce qui se passe actuellement au Cameroun.

Ni Moboutou, ni personne autour de lui n’avait semblé savoir lire entre les lignes et interpréter les signes qui ont précédé son départ.

De nombreuses pontes du régime, pourtant au fait de la réalité, ne voulaient surtout pas imaginer le scenario d’un départ du pouvoir à « seulement » 66 ans.

Ils étaient plus enclins à manipuler, mentir, torturer, tuer, juste pour conserver l’illusion d’un pouvoir pourtant finissant qui leur permettrait de continuer à jouir des juteuses positions sociales et de piller les ressources publiques.

La vie de l’homme d’Etat Moboutou, qui avait juste besoin de sortir par la grande porte ne les préoccupait guère .

Il sera finalement inhumé par sa famille et quelques proches collaborateurs à Rabbat au Maroc en septembre 1997.

Honoré Gbanda, relate que tout avait commencé avec la grave maladie du Président Moboutou.

Ses proches et les puissances occidentales étaient déjà au courant que ses jours étaient comptés.

À l’Est du pays, une farouche rébellion résistait à l’armée régulière, qui, fut bien obligée d’abdiquer.

Au Cameroun, Paul Biya n’est pas déclaré malade , mais il a 87 ans et a une longue et épuisante carrière administrative de 60 ans.

Dans les régions anglophones du Noso, la guerre civile s’amplifie comme celle de l’Est du Zaïre.

Des indépendantistes anglophones résistent depuis 02 ans aux forces de défense et à l’armée d’élite camerounaise le Bir.

Les Ong et autres organisations internationales dont l’Onu évoquent des cas de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, voire de génocide, avec des risques avérés d’ouverture de procès pénaux internationaux.

Sur le plan international comme au temps de la fin de Moboutou, qui fut lâché, à un moment critique de sa vie, par ses plus puissants et fidèles amis à savoir les américains, les partenaires internationaux, soutiens du regime Biya comme la France, commencent déjà à manifester une sorte de détachement.

Le président français, dernièrement au salon de l’agriculture à Paris devant les médias du monde entier vient de le présenter, certes, sans l’indiquer expressément, comme un despote, en l’accusant ouvertement d’enfermer ses opposants, le jeu démocratique et de porter atteinte de manière « intolérable » aux libertés et droits individuels de ses compatriotes.

Quelques temps aussi, avant son départ, la Belgique autrefois partenaire historique du Zaïre et grand ami du maréchal Moboutou, avait lancé une campagne internationale de dénonciation de la dictature de Moboutou à la suite des massacres d’étudiants à l’université de Lumumbashi.

En réaction, tout comme à la suite des propos de Macron qui ont donné lieu à des manifestations anti françaises devant l’ambassade de France à Yaoundé il y a quelques jours , le pouvoir zairois, préféra plutôt manipuler quelques jeunes moboutistes,en organisant des marches de protestation à travers les villes zairoises pour dénoncer ce qu’ils ont qualifié d’ingérence belge dans les affaires internes du Zaïre.

Le gouvernement zairois fera même une sortie et jugea le comportement du premier ministre belge d’inamical.

Au Cameroun, la présidence de la République parle d’attitude surprenante de la France.

La Suisse, pays que Moboutou aimait passionnément et où il y séjournait régulièrement dans son somptueux château vaudois , ne voulait plus subitement l’accueillir.

Il etait devenu encombrant à la suite de bruyantes manifestations d’opposants zairois qui dénonçaient les violations de droit de l’homme dans les rues genevoises et européennes.

Il a même fallu la prise d’un décret du conseil fédéral Suisse en decembre 1996 pour permettre au marechal de revenir se faire soigner dans ce pays.

Curiosité, les séjours réguliers du Président Biya à l’hôtel intercontinental de Genève sont aussi devenus rares .

De nombreuses sources parlent d’un possible rationnement de visas à la suite de violentes manifestations d’activistes camerounais qui dénonçaient sa présence en Suisse, lesquelles, ont fortement troublé l’ordre public suisse.

Sur le plan de la politique intérieure, l’opposant zairois Étienne Tsisekedi rassemblait à ce moment là des foules immenses à travers les grandes villes zairoises, organisait avec succès des journées de désobéissance civile très courues.

En fait, les populations aspiraient au changement malgré de multiples campagnes de divinisation du Maréchal dans les médias comme l’expliquera plus tard l’ancien Ministre de la communication de Moboutou, Dominique Sakombi Inongo, dans un célèbre film documentaire intitulé :  » Moboutou, Roi du Zaire ».

Au Cameroun, Maurice Kamto, rassemble, mobilise d’énormes foules tant à l’intérieur qu’à la diaspora comme ce fut récemment les cas à Bafoussam et à Douala.

Les populations ont respecté son mot d’ordre de boycott des élections municipales et législatives qui est un acte de désobéissance civile.

Ce sont là des preuves de ce que les camerounais expriment un désir profond de changement.

Le régime Biya, comme celui de Moboutou, à l’égard de Tsisekedi, préfère plutôt procéder aux actions de discrédit et d’intimidation en essayant de présenter Maurice Kamto comme un anarchiste ou en l’emprisonnant.

Dans le cadre de la gestion du pays,le Maréchal Moboutou était devenu le prisonnier des clans qui s’étaient formés autour de lui : d’une part sa belle famille, de l’autre, les frères du village.

Ainsi, Honoré Gbanda nous apprend dans son livre que le frère de la première dame zaïroise Bobi Ladawa Moboutou, s’était arrogé sans être officiellement nommé , les pouvoirs de ministre de la défense et de la sécurité.

De nombreux conseillers de Moboutou dont l’auteur Honoré Gbanda, pourtant chargé de la politique, ne seront plus écoutés et ne seront même plus reçus par le Président de la République, sans l’aval du cercle fermé familial.

Au Cameroun, il est un secret de polichinelle dans la presse que la haute administration vit au rythme des clans des proches du Président de la République. .

D’une part, celui supposé de la première dame Chantal Biya avec à sa tête son parent, le secrétaire général à la présidence, qui de par ses fonctions administratives contrôle forcément les services de sécurité et de défense et autres grandes entreprises publiques et importants services de l’Etat.

D’autre part, celui supposé de la tribu d’origine de Paul Biya, tenus par deux autres sous groupes qui se livreraient sous cape quelques batailles épiques comme celle récente pour l’élection de maire à la Mairie de Sangmelima dont la presse en a fait des choux gras cette semaine.

Tout ce cocktail de clans, autour de Paul Biya, comme au temps de Moboutou, est susceptible de créer de sérieux dysfonctionnements, un affaiblissement de l’Etat, une radicalisation des postures comme celle sur la crise anglophone, dont l’effet serait une neutralisation des sphères d’influences et de forces en presence; plongeant ainsi le pays dans l’inertie et l’ incertitude.

On voit bien que les camerounais sont inquiets et sur une sorte de qui-vive.

En dehors de toutes ces guerres de clans, des charognards et des vautours composés d’hommes d’affaires étrangers supposés être des lobbyists rôdaient et s’étaient finalement abattus grâce aux complicités des proches sur le corps dégénrant du Maréchal Moboutou pour le dépouiller de ses dernières forces.

Selon Honoré Gbanda, le Camerounais feu OMGBA Damase, célèbre lobbyist de la place parisienne, réussira à ponctionner au maréchal Moboutou, la somme de 03 milliards de Francs CFA quelques temps avant son départ du Zaire, sous prétexte qu’il lui livrerait des armes qui permettront de combattre efficacement la rébellion à l’Est.

En ce moment de nombreux soupçons pèsent de plus en plus sur ces fameux lobbyists appelés à redorer l’image du Paul Biya à l’international et à la mobilisation des soutiens et réseaux.

La presse parle d’une certaine française pour les milieux politiques français et d’un autre cabinet de communication aux États-Unis pour apaiser les relations de l’autre côté de l’atlantique.

De nombreux activistes camerounais des réseaux sociaux interrogent la recurence des multiples visites à Paul Biya à la veille de chaque élection par le président et vice-président de la Caf Ahmad Ahmad, Omari, porteurs du projet d’organisation de la coupe d’Afrique des nations au Cameroun.

L’index est aussi pointé sur certaines participations de Paul Biya à certains événements comme au sommet de la paix à Paris, où malheureusement, il fut sans façon tancé par l’homme d’affaires d’origine soudanaise MO Ibrahim.

La presse et médias internationaux n’en sont pas du reste.

On assiste de plus en plus à un foisonnement de parutions de journaux et d’affichages de grands posters de Paul Biya sur différents kiosques à journaux tant au Cameroun qu’à Paris.

Des publi reportages sur ses exploits à n’en plus finir.

Pourtant comme au temps de la fin de Moboutou, tout cet activisme n’aura servi à rien.

Il lui fallait juste des personnes courageuses, humanistes, ayant un sens élevé de la préservation de l’honneur et de la dignité d’un homme, d’un homme d’État, prêtes à tout perdre parce qu’elles auront préféré lui dire ce qu’il devrait faire dans un tel contexte explosif.

Paul Biya, serait très redouté par ses collaborateurs, normal, car ce sont juste de hauts fonctionnaires dont en réalité, le rôle est d’assister le plus grand chef de l’administration qu’est le président de la République et non l’ homme d’Etat Biya.

Car conseiller un président de la Republique est bien différent de conseiller un chef d’Etat.

Conseiller un président de la République c’est se limiter au travail technique sur des dossiers confiés.

Par contre, conseiller un chef d’Etat, c’est lui permettre de prendre les décisions qui engagent sa vision d’homme d’état en rapport à celle de la nation.

Les quelques conseillers autrefois inventoriés par certains câbles diplomatiques de l’homme d’Etat Biya sont pratiquement tous décédés.

On peut citer les feus Ferdinand Léopold Oyono, Emah Basile, René OWONA, Mataga Philippe, Jean Fouman Akame, General Benahe Mpecke, General Asso’o Émane Benoit Mva Mbolo Cherel, Dr Andela, Mvondo Assam Benoît frère aîné du du Président Biya et dans une moindre mesure Martin Belinga Eboutou.

Selon certaines indiscrétions, ce qui reste tout de même à vérifier, ces personnes pouvaient lui dire des choses, parfois pas à son goût, quand elles estimaient qu’elles lui étaient utiles.

Dans un tel schéma ,qui pourra interpréter pour lui ces signes, afin qu’il demeure dans l’histoire, ce grand homme d’Etat,qu’il a voulu être, lorsqu’il déclara à feu Yves Mourousi de Radio Monte Carlo en 1983, qu’il voudrait qu’on garde de lui l’homme qui a apporté la démocratie à son pays ?

La démocratie étant l’écoute de la volonté du peuple et non de celle louangeurs, griots et autres profiteurs qui lui diront que tout va bien et qu’il est dans la bonne direction, qu’il est fort, qu’il est AYOP AYOP, mais qui ce jour là le renieront sans états d’âme.

Seul le peuple est vrai.

Et ce peuple parle en ce moment.

Il veut la démocratie.

Christian Bomo Ntimbane
Société Civile Critique.

Articles Similaires

Quitter la version mobile