PAUL BIYA TROUVE QUE LE CAMEROUN EST MIEUX QUE L’ALLEMAGNE
La raison pour laquelle la crise anglophone ne disparaîtra jamais sous Paul Biya (probabilité de 0%), c’est que non seulement il n’acceptera jamais le fédéralisme (pourtant l’unique porte de sortie raisonnable actuelle), mais surtout, ils n’appliquent même pas la décentralisation dont ils se sont eux-mêmes dotés. Car en réalité, ils le firent juste pour aveugler les naïfs crédules.
En un mot : au Cameroun, le pouvoir n’aime pas (se) partager. Mais alors P-A-S D-U T-O-U-T. Souvenez-vous d’il y a deux semaines, lorsque le maire de la commune de Douala 1er, mister Lengue Malapa, décidait de fermer provisoirement 7 écoles maternelles où avaient été enregistrés des cas de Coronavirus, dans l’optique de désinfecter les lieux et d’opérer les mesures sanitaires conformes à pareille situation. Que s’est-il passé ? Eh bien la réponse de sa hiérarchie ne s’est pas fait attendre. Le 2 mars 2021, un arrêté du préfet du Wouri ordonnait manu militari la réouverture desdites écoles, au mépris de la sûreté de leurs occupants.
Car le Cameroun est un système féodal : un monde archaïque rempli de seigneurs et de clans, où une décision pertinente peut être désavouée simplement parce qu’elle ne plaît pas au seigneur, ou qu’il aurait aimé être celui qui la prend, afin d’en récolter seul les lauriers.
C’est dans le même clanisme désordonné que le 14 mai 2019 sur la chaîne internationale France 24, Atanga Nji s’en ira chanter sans sourciller que : » nous discuterons de tout, mais pas de la forme de l’État « , alors que son supposé premier ministre Joseph Dion Gute avait laissé entendre quelques jours plus tôt que le débat public sur la question avait ses chances. C’est ainsi que fonctionne la féodalité : un nid de termites où chacun prétend être le suzerain de l’autre et où plus personne ne s’y retrouve.
Alors ne rêvez pas : dans un tel fourre-tout, Dieu lui-même n’a pas assez de pouvoirs pour résoudre la crise anglophone. C’est peine perdue.
DEUTSCHLAND – UN CAS D’ÉCOLE
Avec un PIB de 3300 milliards d’euros, la République Fédérale d’Allemagne est la première puissance économique (et donc politique) européenne, devant son voisin français. C’est pourtant un pays dont la réunification (entre l’Allemagne de l’Ouest et la RDA) n’a eu lieu qu’en 1990, après la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 89. Elle compte aujourd’hui 16 États fédérés et ne semble pas en souffrir. Au contraire, le nombre annuel de manifestants dans la rue est (sans exagération) plus de 1000 fois supérieur en France, pays jacobin hyper centralisé dont s’inspire le Cameroun.
( Ce n’est pas à Hamburg ou à Munich qu’on verra des gilets jaunes, et encore moins tous les samedis pendant une année entière ! )
Alors comment fonctionne le fédéralisme allemand, et pourquoi ça marche ?
Chacun des 16 États fédérés est appelé un « Land » (ou « Länder » au pluriel). Il compte à sa tête un chef appelé Ministerpräsident (ministre-president, l’équivalent du gouverneur aux USA). Et à l’intérieur de chaque Etat, vous avez : 1- un mini-gouvernement, avec un ministre des finances, un ministre de l’intérieur etc…, 2- un mini parlement appelé « Landtag » chargé de faire les lois à l’intérieur du Land concerné, et 3- une cour constitutionnelle régionale (« Landesverfassungsgericht »), qui veille à la pertinence des lois et du travail du Landtag.
Comme on peut le voir, l’on retrouve dans chaque Land les fameux trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Par ailleurs, chacun dispose de sa police interne appelée Landespolizei. Il est donc à noter que chacune de ces structures (ministre-president et son mini-gouvernement, Landtag, tribunal et police régionale) n’ont aucune compétence au-delà de la région concernée. Le pouvoir national étant assuré par le « Bund », qui désigne les mêmes types d’organes, mais à l’échelle fédérale.
Ainsi, vous avez le « Bundestag » qui est le parlement fédéral, le « Bundesverfassungsgericht » qui désigne la Cour fédérale, et à la tête de l’exécutif se trouve le « Bundeskanzler », le chancelier fédéral. A leur disposition se trouve la « Bundespolizei » (police fédérale), autorisée à opérer sur l’ensemble du territoire. Ce sont les organes suprêmes qui n’interviennent que sur les questions de grande envergure (problèmes nationaux, budget fédéral, relations extérieures, politique nucléaire etc…). L’organisation de la vie quotidienne étant totalement laissée à chaque Land.
Par ailleurs, sur plusieurs aspects de ce paradigme, le Bund ne peut pas toujours agir sans consulter au préalable les Länder, notamment sur la question migratoire (contrôles aux frontières) ou, pour l’actualité, sur les mesures liées au Coronavirus. La concertation inter-organes est une devise nationale et Angela Merkel ne vit pas cachée dans un Bunker comme un fainéant reclus 6000 km plus loin.
Cette forte déconcentration des pouvoirs n’a pourtant pas empêché la chancelière d’être désignée « femme la plus puissante du monde à 14 reprises depuis 2005 par Forbes. Entre-temps, qu’est-ce que l’archaïsme féodal aura apporté à Biya, si ce n’est la médaille de meilleur élève de la France, et à qui Emmanuel Macron s’adresse comme à une serpillère ?
Les fantômes du lion à Lyon.
EN DÉFINITIVE :
Dans un prochain article, nous parlerons de la chambre haute allemande, le « Bundesrat », et nous découvrirons par quelle sorcellerie un pays de 80 millions d’habitants s’en sort avec seulement 69 sénateurs, pendant que le Cameroun (25 millions d’habitants) en compte 100. Nous étudierons leur mode d’élection (car oui, aucun d’eux n’est nommé par la chancellerie), et nous verrons comment l’Allemagne gère ses minorités (a contrario de la minorité anglophone du NOSO dribblée à Foumban depuis 1961). Car il est temps que ceux qu’un régime primitif de 38 ans a éduqués à aimer la médiocrité s’inspirent enfin des bons exemples de ce monde.
La seule raison pour laquelle le régime Biya est allergique à la question sur la forme de l’État a été illustrée dans les quatre premiers paragraphes de ce texte.
L’idée même de ne plus devoir passer par Yaoundé pour établir son passeport, voire sa CNI, effraye le Gang de Malfrats qui se voit renoncer à sa toute-puissance (et à l’argent qui va avec). Les systèmes féodaux aiment la seigneurie et détestent la dévotion. Ici, on ne sert pas on se sert, et surtout, on ne rend pas compte.
Et quand un subordonné lève trop la tête, on le décapite. Car tout signeur veut rester seigneur, même sans honneur.
C’est pourquoi en plus de ne pas être une République Fédérale, le Cameroun n’est pas une République tout court ! Et si Paul Biya demeure au pouvoir jusqu’en 2025, le problème anglophone durera au moins jusqu’en 2025
Avec de très fortes chances d’aggravation de l’abcès.
Wilfried Ekanga