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PROCÈS DE MAURICE KAMTO ET ALLIÉS : L’HISTOIRE SE RÉPÈTE

Face aux revendications populaires – on le verra dans la suite du récit – Paul Biya commence par trainer les pieds. La contestation du pouvoir, elle, ne faiblit pas. Au contraire : elle enfle. Le chef de l’Etat finit par ouvrir le jeu politique, à son corps défendant et parfois au prix d’une répression sauvage et sanglante. Le sang des combattants et des martyrs de la liberté tombés sous les balles d’un pouvoir réactionnaire coule. Les événements qui vont changer l’histoire politique du Cameroun commencent le 19 février 1990. Les éléments de la police politique du régime, le Cener (Centre national d’études et de recherches) alors dirigé par le redoutable Jean Fochivé, arrêtent l’avocat et ancien bâtonnier, Me Yondo Black Mandengué et neuf autres personnes dont Anicet Ekane, Henriette Ekwe, Albert Mukong31, Francis Kwa Moutome, Rudolphe Bwanga, Gabriel Hamani, Julienne Badjé, Charles René Djon Djon, Vincent Fekom. Incarcérés à la prison centrale de Kondengui, ils sont accusés d’avoir tenu « des réunions clandestines, d’avoir fabriqué et distribué des tracts hostiles au pouvoir et injurieux envers le chef de l’Etat et d’incitation à la révolte ».

Ces chefs d’accusation cachent une autre réalité ; Me Yondo Black et ses compagnons ont en fait été arrêtés parce que soupçonnés d’avoir voulu créer un parti politique. Des documents allant dans ce sens auraient été découverts dans leurs domiciles par la police. Le 14 mars 1990, le gouvernement fait lire un communiqué à la radio dans lequel il dément que l’arrestation de Yondo Black soit liée au fait qu’il a voulu lancer un parti politique. L’affaire Yondo Black qui s’ouvre devant le tribunal militaire de Yaoundé va donner à voir un impressionnant élan de solidarité du barreau du Cameroun en faveur de l’ancien bâtonnier et de ses coaccusés. Plus de 200 avocats sont mobilisés pour cette cause ainsi que de nombreuses associations internationales de défense des droits de l’Homme. Le procès est très médiatisé. La remarquable plaidoirie du bâtonnier Me Bernard Muna met le doigt sur le problème. « A supposer, plaide-t-il, que les 10 détenus aient effectivement organisé des réunions clandestines, qu’ils aient distribué des tracts critiquant le gouvernement.

La vraie question qu’il faut se poser est celle de savoir pourquoi ils ont tenu leur réunion de manière clandestine, pourquoi ils ont critiqué le gouvernement avec des tracts anonymes alors que le droit de tenir des réunions et de former des associations est garanti par notre Constitution ainsi que par la Charte internationale des droits de l’homme. La réponse à ces questions est simple : au Cameroun au cours des 25 dernières années, les citoyens qui ont essayé d’exercer leurs droits ont été arrêtés, torturés et emprisonnés. »32 « Je suis convaincu, poursuit-il, que le moment est venu pour les avocats de prendre position. Nous ne sommes pas derrière les barreaux mais nous sommes prisonniers de nos peurs. Me Yondo est peut-être derrière les barreaux, mais nous sommes ici, les vrais prisonniers, sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller nos consciences. J’appelle le barreau camerounais à exprimer clairement les problèmes de droits de l’Homme dans notre pays. J’espère qu’ils auront le courage de le faire. »

Yondo Black et Anicet Ekane sont condamnés respectivement à trois et quatre ans d’emprisonnement ferme. Jean-Michel Tekam, alors en fuite en France, écope de cinq ans de prison. Malgré ces condamnations, l’affaire Yondo Black a eu le mérite de poser le problème de la liberté de créer des associations ou des partis politiques. Le courage de cet avocat et de ses compagnons fera des émules. Sentant venir la pression, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) le parti unique, organise à Yaoundé le 30 mars 1990, une marche contre le multipartisme emmenée par le maire de la capitale, Basile Emah. Rien n’y fait. Le pouvoir de Yaoundé a prétendu que Yondo Black et les autres n’ont pas été arrêtés pour avoir voulu créer un parti politique. S’ils n’ont pas été interpelés pour cette raison, qu’est ce qui empêche donc qu’un Camerounais lance un parti politique ? Les autorités vont être prises à leur propre piège.

Le régime du président Biya pense pouvoir souffler lorsque l’événement se produit dans le Nord-Ouest du Cameroun. Ni John Fru Ndi, 41 ans, jusque-là inconnu du public, libraire de profession, ose : il organise le 26 mai 1990, une marche de lancement du Social Democratic Front (Sdf) qui deviendra le symbole du retour au multipartisme au Cameroun. Ce jour-là dans son fief à Bamenda, la foule est impressionnante. Débordée, la police ouvre le feu sur les manifestants et fait six morts. Le meeting du Sdf vire au bain de sang. Le pouvoir est gêné aux entournures et décide de nier l’évidence par le mensonge.

La stratégie contre-révolutionnaire du pouvoir repose sur son outil de propagande : la télévision publique, la Crtv. Le lendemain des événements sanglants de Bamenda, le journal télévisé de 20h30 en a une curieuse lecture, ainsi que le rapporte Pierre Flambeau Ngayap : « Le journaliste présentateur-vedette, Zacharie Ngniman, commentant avec zèle des images d’archives montées à la hâte, desquelles on a oublié d’effacer la date, annonce que les militants tombés ont été piétinés par leurs camarades lors de la charge des forces de l’ordre. » Ce mensonge grotesque ne trompe personne. Il a du mal à passer. Le journaliste reconnaitra d’ailleurs plus tard avoir commenté les événements de Bamenda à la demande de son directeur général avec un support d’image dont il ne connaît toujours pas, à ce jour, l’origine.

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