RÉVÉLATIONS: TROIS MINISTRES FRANÇAIS ONT ORCHESTRÉ LE BOMBARDEMENT DU CAMP MILITAIRE POUR FAIRE TOMBER LE PRÉSIDENT GBAGBO
Aucun doute pour l’avocat des familles de victimes, Me Jean Balan. Le bombardement du camp militaire français en Côte d’Ivoire en 2004 est « une manip ». « Un coup monté au plus haut niveau de l’Etat et destiné à accuser, puis à faire tomber le chef d’Etat Laurent Gbagbo.
L’avocat réagissait sur Europe 1 alors qu’un juge enquêtant sur le bombardement du camp militaire français de Bouaké en Côte d’Ivoire en 2004 a demandé qu’une haute cour se penche sur le rôle de trois ex-ministres, Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier, soupçonnés d’entrave aux investigations.
Des suspects libérés. Au lendemain de l’attaque, quinze mercenaires russes, biélorusses et ukrainiens sont arrêtés à Abidjan par l’armée française. Ils sont relâchés quatre jours plus tard et remis, via la Croix-Rouge, au représentant consulaire de la Fédération de Russie. Puis, le 16 novembre 2004, huit Biélorusses sont arrêtés au Togo. Gardés à la disposition des autorités françaises, ils sont pourtant libérés. Parmi eux, deux pilotes des avions Sukhoï-25 qui ont bombardé le camp de la force française Licorne dix jours plus tôt.
« Remettre les hommes aux autorités russes ».Selon une ordonnance prise par la juge le 2 février, révélée par le Canard enchaîné et Médiapart, « Michel Barnier avait appelé lui-même l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire pour lui demander de remettre » les hommes arrêtés à Abidjan « aux autorités russes ». La juge se base sur le témoignage du ministre de l’Intérieur du Togo de l’époque. Selon lui, « Paris souhaitait temporiser » et les services français alertés par Lomé avaient reçu pour instruction de « ne rien faire ». En toile de fond, apparaît le rôle d’un marchand d’armes français installé au Togo et dont la société avait fourni les avions utilisés pour tirer sur la base de Bouaké.
« Une affaire gravissime ». Pour la juge, l’attaque « était considérée comme une affaire gravissime au plus haut niveau de l’Etat » et « les hautes autorités françaises du ministère de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères (avaient) été prévenues de l’arrestation des pilotes biélorusses impliqués ». « La décision de ne rien faire » concernant ces pilotes « a été prise à l’identique » par les trois ministères, « ce qui permet de penser à l’existence d’une concertation à un haut niveau de l’Etat », poursuit la juge. Elle vise le fait de fournir à l’auteur d’un crime des moyens pour le soustraire à une arrestation, un délit puni de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende.