TESTAMENT D’UN JEUNE CAMEROUNAIS SACRIFIÉ DANS LA RUE
Monsieur le Président que vous a fait la Jeunesse du Cameroun ?
Monsieur le Président de la République, son Excellence Paul Biya, je sais que je prends le risque de ma vie en vous écrivant, mais j’étais déjà mort à ma naissance et en ce moment où je me suis permis de vous écrire, j’ai auprès de moi mon testament et mon cercueil, j’ai aussi un format sur lequel j’ai organisé mes obsèques.
Mais, avant d’entrer enfin dans ce cercueil qui m’attends depuis bien longtemps, permettez-moi de parler la dernière fois.
Je ne parle pas pour moi seul, je parle aussi pour tous ces jeunes, cette multitude qui souffre et se tait parce que muselée et nos droits aussi. Nous sommes réduits à rien.
Monsieur le Président, qu’est-ce que nous vous avons fait ? Quel crime odieux, irréparable et impardonnable nous vous avons commis pour mériter ce sort qui est le nôtre : la Misère et la désolation ?
En 1982, où beaucoup d’entre nous n’étaient pas encore nés, vous êtes devenu Président de la République. Vous avez hérité du pouvoir par la bonté d’un homme qui croyait en vous et avait placé entre vos mains le devenir et l’espoir de tout un peuple, l’espoir d’un Cameroun prospère, uni et en paix. Et vous n’aviez que 49 ans. Mais quel bilan !?
Pendant 36 ans et bien plus(depuis l’entrée au gouvernement sous le Président Ahidjo), le Cameroun vous a tout donné. Nous vous avons tout donné. Que demandez-vous de plus ?
Vous nous avez oublié. Vous et votre système avez muselé nos droits.
Nous sommes réduits à rien,
Nous ne comptons pas,
Nous n’existons pas,
Nous n’avons jamais demandé plus que les miettes qui tombent de votre table,
Nous voulions juste nous exprimer, nous qui avons de la bravoure, des talents inimaginables, capables de tant de choses, de prodiges, mais jamais on nous a donné notre chance. Pas une seule. Vraiment pas une seule.
Qu’est ce que nous vous avons fait? Oui Qu’avons-nous fait au juste M. le Président ?
36ans nous vous avons tout donné. Mais voici ce que nous avons reçu :
Le chômage,
La corruption,
L’intimidation,
Les souffrances multiples,
Le desespoir,
La faim(fevrier2008).
Nous sommes prives de nos droits et libertés. Pour ceux qui veulent parler ils s’exilent afin d’oser.Nous sommes vraiment muselés. Sous le poids de ces souffrances multiples, sous le poids de ces misères, Nous, la Jeunesse, sommes entrés dans Boko Haram pour avoir un peu de pain. Mais comme des souris et des rats, vos balles nous ont tués. Nous sommes devenus des Ambazoniens, vos balles et vos chars encore nous tuent. Aujourd’hui, démocratiquement nous vous avons demandé d’aller vous reposer(un repos mérité d’ailleurs après 36ans de travail acharné, je voudrais penser). Mais voilà que vous voulez nous voler notre victoire, la victoire d’une Jeunesse assoiffée de changement qui peut stimuler et faire renaître de ses cendres un espoir évanoui, trépassé. Pourtant vous vouliez qu’on retienne de vous l’homme démocrate qui a apporté la démocratie au Cameroun.
Vous nous parlez de paix, pourtant c’est qui vous qui muselez nos droits, c’est vous qui nous laissez dans le chômage, c’est vous qui nous emprisonnez et nous tuez comme des rats.
Enfin, que nous restent-ils ? Les cimetières ont la bouche grande ouverte pour nous ensevelir par centaine de milliers. Oui, nous sommes des rats et se faisant, nous venons à vous, à vos balles et à vos chars, à vos soldats prêts à nous tuer aux moindres faits et gestes. Nous venons nous livrer à vous, à vos chars et autres. Finissez avec nous. Tuez-nous et finissez-en une fois pour toute avec nous et restez vivre à jamais. Longue vie à vous!
Cette nuit où je vous écris, c’est avec des larmes de sang, les larmes de la passion d’une Jeunesse sacrificée. Mais quel est le motif de ce rite sacrificiel auquel nous sommes conduits ? La passion du Christ avait un motif : Le Roi des juifs. Quel est le nôtre? Des rats bons à tuer, ou bien le sacrifice qui pérennise votre pouvoir ? Que nous reprochez-vous ? Qu’avons-nous fait ? Quel est notre tord ?
2018, Nous avons cru au changement. Va-t-il vraiment arriver ? Nous sommes pessi-optimistes. Mais au final nous ne savons plus à quel saint nous vouer.
2018, c’est l’année de toutes les haines tribales. Vous avez laissé vos gens nous dresser les uns contre les autres, pourtant nous la Jeunesse, nous souffrons d’un même cancer, de la même misère, de la même souffrance. Nous voulons juste être des Camerounais et en être heureux. Je suis du Nord, je suis du Sud, je suis de l’Est, je suis de l’Ouest. Je suis francophone, je suis anglophone. Je suis tout simplement Camerounais. Le Cameroun est ma seule et unique TRIBU.
On dit que nous voulons descendre dans la rue. Mais nous y sommes déjà. Nos parents nous ont déposé là à notre naissance. C’est là que nous vivons. Nous n’avons pas de maison, nous n’avons pas d’eau, nous buvons le torrent qui coule dans le rigoles. Nous discutons la rue avec les rats nos semblables, nos frères. Eux au moins, ils nous laissent les restes de leur nourriture. Nous mangeons à leur table, nous dormons avec eux, ils nous comprennent. Ils nous apprennent la prostitution, l’homosexualité, le banditisme, les jeux du hasard. La rue, nous y sommes depuis la naissance. La rue, c’est notre maison.
Monsieur le Président, je parle à un Père qui aime et écoute ses enfants. Vous que vous aimez le Cameroun. Prouvez-nous. Papa, s’il te plait reposes-toi. Nous avons besoin de vous. Racontez-nous les histoires du passé. Papa, reposes-toi. Tu es fatigué, ne laisse pas le travail t’enlever sitôt à nous. Pardon Papa reposes-toi.
M le Président, vous pouvez encore tout changer. Il n’est pas trop tard. Restituez au peuple son droit. Donnez-nous la chance de croire, d’espérer, de rêver, parce que même les rêves nous n’avons plus.
Nous avons peur pour notre Pays. Pays où nous la Jeunesse, sommes des étrangers. Combien nous sommes morts et nos corps introuvables? Nos corps sont perdus dans la mer, en Lybie, au désert. Nous souffrons au Koweït, en Lybie. Étrangers au Cameroun, nous cherchons des abris. Il pleut sur nous. Le soleil du désert nous brûle et nous tue. Nous sommes oubliés, nous sommes rejetés. Nous sommes des parias.
LA RUE, NOUS Y SOMMES DEPUIS LA NAISSANCE. LA RUE C’EST NOTRE DEMEURE.
Aurelien William Tamo.