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UN ADJUDANT FRANÇAIS ABAT UN CHEF D’ÉTAT AFRICAIN ET OFFRE 300.000 FCFA À SON CUISINIER POUR ENDOSSER LA RESPONSABILITÉ

Que celui qui croit toujours que l’assassinat du père de l’indépendance du Togo en ces temps coloniaux n’était pas l’œuvre de la France, lève le doigt ! Une analyse dépassionnée des responsabilités permet de dire que feu Gnassingbé Eyadéma ne serait effectivement pas celui qui aurait tiré sur Sylvanus Olympio. Surtout après les récompenses dont l’Ambassadeur français l’avait gratifié.

Voici ce que feu Gnassingbé Eyadéma confiait à un journaliste dans un livre rare titré :

« Gnassingbé Eyadéma : ce que je sais du Togo ». A la question du journaliste : « Mais Sylvanus Olympio a été abattu, et vos ennemis ont dit que c’était sur votre ordre, sinon par vous-même. Que s’est-il exactement passé ? », Eyadéma avait répondu : « Il y avait tout de même un ministre qui s’était méfié ; Théophile Mally, le ministre de l’Intérieur, qui était le bourreau en chef et le garde-chiourme d’Olympio. Je suppose que, dans la nuit, il a téléphoné à son Président. Et ils ont évidemment compris que cette convocation nocturne cachait quelque chose de grave. Mally s’est immédiatement enfui vers le Ghana qui n’est qu’à deux kilomètres de Lomé.

Pour Olympio, nous avions lancé des patrouilles motorisées à travers la ville pour l’appréhender. A son domicile, plus personne. Un détachement a commencé des recherches dans le périmètre de sa maison. Que s’est-il alors passé ? Franchement, je ne l’ai jamais su exactement. Dans l’obscurité, certains militaires ont commencé à tirer, peut-être sur des éléments d’Ablodé Sodja, sur la garde rapprochée du dictateur.

A l’aube, nous avons retrouvé son corps devant l’entré de l’Ambassade américaine. Il voulait sans doute s’y réfugier, il y a eu accrochage et ses gardes du corps l’ont abandonné sur place. Mais l’idée que j’ai pu demander qu’il soit abattu froidement est affreuse, et en plus idiote. Il aurait pour nous été plus intéressant, plus pédagogique d’organiser un procès public. Imaginez la confrontation entre Olympio et les 2500 prisonniers sortis de leurs geôles dans un état épouvantable, comme des déportés d’un camp de concentration ! C’est cela qui l’aurait vraiment tué, politiquement et devant l’opinion internationale ; c’est ce que nous cherchions ».

Des auteurs de coups d’Etat qui laissent le fauteuil présidentiel à quelqu’un d’autre ? Il faut être un révolutionnaire étranger ou un maquisard en mission pour le faire. En ces temps d’incertitude de la mainmise française sur ses colonies, il n’était pas acceptable que Sylvanus Olympio frappe sa propre monnaie. Or, il avait chargé son ministre des Finances, Hospice Coco de passer commande du matériel nécessaire pour doter la future Banque Centrale du Togo de la capacité de frapper les pièces et d’imprimer les billets de banque. Mais trois jours après rédaction du courrier, Sylvanus Olympio a été fauché.

De la main qui a tué Sylvanus Olympio, on en sait un peu plus. Sur ordre du Commandant Georges Maîtrier, l’Adjudant français Pock était descendu prestement de sa base de Sokodé et ce serait lui qui aurait abattu le Président avant de repartir à son poste, comme si de rien n’était. Fambaré Natchaba était un des élèves de la fille du meurtrier qui enseignait à Sokodé.
La grogne au sein des soldats démobilisés était une aubaine à ne pas rater. C’est ainsi que le cuistot Etienne Eyadéma avait été « cuisiné » pour endosser la responsabilité de l’assassinat. Mais contre quelles récompenses ? TROIS CENT MILLE FRANCS CFA ET UN MOULIN A PETROLE !

Etienne Gnassingbé Eyadéma aurait-il accepté ces cadeaux alors que le fauteuil présidentiel lui tendait les bras s’il était vraiment celui qui avait mis fin aux jours du premier président élu du Togo ? Peu probable. Mais si par contre, il avait accepté porter le fardeau de la France, normal que cette France s’ingère dans le choix de celui qui devait remplacer le Président assassiné. Et bizarrement, on remarque que, plus jamais il n’a été question pour le Togo de reprendre le processus de fabrique et d’impression en interne de sa monnaie. On peut alors mieux comprendre le règne au long cours d’Etienne Gnassingbé Eyadéma.

Eyadéma a fait du tort au Togo par sa gestion autocratique du pouvoir certes. Mais lorsqu’il faut revisiter les méandres du premier coup d’Etat en Afrique, il serait utile qu’on se départisse des considérations qui pourraient altérer l’analyse et biaiser les conclusions. Si archives fiables il existait au Togo, on devrait pouvoir déterminer si oui ou non, l’Adjudant français Pock était descendu à Lomé justement au moment où le coup d’Etat avait eu lieu d’une part, et interroger d’autre part les documents des Ambassades de France et des Etats-Unis. La vérité s’y trouvera. Certainement. Obligatoirement. Combien de temps encore l’omerta régnera sur cet épisode sanglant de l’histoire du Togo avant que ses fils n’apprennent la vérité ?

Alex KOFFIKAN

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