UN DÉPUTÉ SAISIT LE TCS ET LA CHAMBRE DES COMPTES POUR DES ENQUÊTES CONTRE AMOUGOU BELINGA
C’est avec une énorme stupéfaction doublée d’une totale consternation que les camerounais ont appris par le biais des réseaux sociaux le financement par le ministère de l’économie et de la planification de deux structures à capitaux privés en l’occurrence ISSAM et Vision 4 S.A exerçant dans deux secteurs d’activités différentes et appartenant à un même promoteur. Financements tirés de la même ligne budgétaire à savoir la ligne 94 du budget de l’État intitulée « Interventions de l’État ».
Il convient de relever pour le déplorer que depuis plus de 20 ans, cette ligne a toujours été l’épicentre des tripatouillages, maquillages et autres dissimulations des vraies données. Cette ligne 94 intitulée « Interventions de l’État » se chiffre chaque année à plus de 1000 milliards de FCFA. Les actions contenues dans cette ligne n’ont jamais été élucidées à l’avance dans les différentes lois des finances. Les comptes d’emploi n’ont jamais été détaillés dans les différentes lois de règlement soumis aux députés pour adoption au cours des sessions de novembre.
Cette ligne 94 est un nid fourre-tout de détournements de deniers publics à grande échelle, de corruption et d’achats de conscience des camerounais d’en haut, y compris des députés de pratiquement tous les bords politiques. L’exécution de la ligne 94 depuis une vingtaine d’années est un véritable scandale d’État capable de faire tomber 20 fois la République. C’est avec sidération que nous avons appris par exemple qu’en octobre 2015, le ministre de l’économie, du plan et de l’aménagement du territoire par ailleurs actuel ministre des finances a procédé au paiement de 696 millions de FCFA pour la construction et l’équipement de L’ISSAM, institut privé d’enseignement supérieur (IPES). Y a-t-il un seul institut privé d’enseignement supérieur ayant déjà bénéficié d’un financement ne serait-ce que de 25 millions de francs au Cameroun ? En dehors des cas de catastrophe naturelle et des dossiers classés secret-défense, tout ce que fait l’État en matière de subventions ou de commande publique doit être réglementé et publié à l’avance, au nom de l’égalité d’accès de tous les camerounais aux privilèges publics de la Nation. L’État n’a jusqu’à ce jour jamais fait quelque publicité que ce soit sur les possibilités de financement à grande échelle des IPES. Dans les pays sérieux, l’Etat subventionne un tel processus de façon transparente et tous les acteurs peuvent en bénéficier. En 2015, l’ISSAM n’existait pas encore. La loi sur les IPES (Instituts privés d’enseignement supérieur) est pourtant claire. Elle définit les conditionnaltés pour bénéficier des subventions. En aucun cas on ne subventionne un IPES qui n’existe pas encore ou qui est en construction. Au vu du montant débloqué, il est difficile de donner du tort à ceux qui estiment que c’est du banditisme organisé sur fond de blanchiment d’argent.
Plus grave, la chaîne de télévision Vision 4 S.A (dont le PDG est également PDG de ISAM) a reçu toujours du ministère de l’économie et de la planification une subvention de 1.521.750.000 FCFA en juin 2017 et en septembre de la même année une autre subvention de ce même ministère à hauteur de 379.000.000 FCFA. Soit un total de plus de 1,8 milliards FCFA. Il est immoral qu’une entreprise qui bénéficie de l’attention du gouvernement à travers un département ministériel en juin 2017 d’un montant de plus d’un milliard de FCFA soit encore subventionnée en septembre de la même année par le même ministère pendant que la première échéance de paiement qui est échelonné sur un an n’est pas arrivé à terme. Il est inadmissible que quatre mois après, en deuxième phase, la même entreprise bénéficie d’un renforcement des capacités du personnel. Le ministre de l’économie et de la planification veut-il faire croire aux camerounais que les installations, au vu du montant débloqué, étaient déjà terminées en si peu de temps ? L’entreprise était t-elle l’unique demandeur de subvention cette année? Si oui, que le MINEPAT rende publique la liste des entreprises exerçant dans le même secteur d’activité qui ont bénéficié d’un financement sur cette ligne 94. Pourquoi c’est au ministère de l’économie et de la planification et pas au ministère de la communication qui est la tutelle administrative dans ce secteur d’activité ? Quelles étaient les véritables motivations pour s’immiscer dans une prérogative qui incombe au ministère de la communication ?
Le plus révoltant est que ces subventions d’un montant global de plus de 1,8 milliards FCFA tirées de la ligne 94 du budget de l’État interviennent dans un pays où l’aide publique à la communication privée tourne officiellement autour de 250 millions FCFA par an pour l’ensemble des médias à capitaux privés (presse, radios, télévision etc). Les réels motifs de ces déblocages faramineux en dehors de la ligne officiellement consacrée à l’aide publique à la communication privée sont manifestement ailleurs à savoir l’accumulation sur fond de blanchiment d’une colossale rente guerrière en vue du Grand Soir qui s’annonce extrêmement rude.
On comprend aisément les motifs qui dictent l’envoi tardif des documents par le gouvernement aux députés en violation des dispositions du règlement de l’Assemblée nationale qui impose un délai minimum de 15 jours avant l’ouverture de la session parlementaire.
Ceci ne saurait au demeurant expliquer la passivité voire la connivence de certains députés de l’Assemblée nationale depuis une vingtaine d’années par rapport à cette ligne 94? La Commission des finances et du budget qui dispose d’un peu plus de temps et qui interroge tour à tour les ministres durant plus de 48 h, n’a jamais fait cas des différentes actions contenues cette ligne brumeuse dans son Rapport général. Les députés membres de cette coquille vide – qui fait généralement dans du copier-coller à longueur d’année – n’ont jamais attiré l’attention de la Représentation nationale et encore moins du peuple sur le contenu de ce chapitre brumeux. Cette commission ne sert manifestement à rien.
Le TCS, la Chambre des comptes et le ministère en charge du contrôle supérieur de l’Etat ont l’obligation de mener des enquêtes non seulement sur ces deux affaires rocambolesques de Vision S.A. et de ISSAM mais également sur tous les ordonnancements et décaissements effectués dans la ligne 94 depuis 20 ans. Des surprises ne sont pas à exclure. Des sources indiquent que certains députés membres de la commission des finances et du budget ont également reçu, en contrepartie de leur passivité et de leur silence assourdissant, des prébendes masquées sous forme de dotations et de subventions tirées de la ligne 94. Les crimes économiques sont imprescriptibles .
Hon Jean Michel NINTCHEU