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UN ENSEIGNANT UNIVERSITAIRE AUX USA RÉPLIQUE À PATRICE NGANANG

Au moment où les Camerounais se battent pour le changement, c’est curieusement dans ce contexte d’hémophilie et de polarisation que notre expert en diversion a jugé nécessaire de semer le germe de la zizanie entre ces Camerounais résolument engagés à travailler chacun dans son couloir en faveur du changement. La mondialisation signifie que nous devons avoir l’humilité intellectuelle de réexaminer certaines de nos idées, certaines de nos convictions idéologiques pour nous inspirer des autres pays, des autres communautés, des autres cultures, et nous ouvrir à eux. Et cela n’est pas toujours confortable pour le commun des mortels.

Malgré les signes de la polarisation du discours politique qui tend à claquemurer les Camerounais dans leur communauté pour jouer les victimes face à un gouvernement qui instrumentalise « le tribalisme » pour se maintenir au pouvoir, nous ne céderons jamais à ces provocations stériles de Patrice Nganang qui fonctionne désormais comme un pion du régime RDPC. Cela peut surprendre de nombreux compatriotes Camerounais, mais le moment est venu de nous focaliser sur certaines déclarations curieuses de cet activiste pour éviter de nous faire manipuler par ce démagogue hors pair qui se bat comme un petit diable pour déclencher une guerre civile terrible entre d’abord les « Bamileke et les Bulu », les « Bamum et les Bamileke », les « Bamum et les Anglophones », « les Francophones et les Anglophones », les « Camerounais du Nord et ceux du Sud » , pour enfin récolter ce qu’il rêve d’avoir au Cameroun, « le pourrissement dans une guerre totale »!

C’est important de comprendre d’entrée de jeu que Patrice Nganang est loin d’être fou, son rôle dans la crise anglophone où il s’est fait « Général d’ambazonia » pour subrepticement devenir « un fan du Pr. Kamto » qu’il a d’ailleurs copieusement insulté avant les élections présidentielles d’octobre 2018, doit réveiller les Camerounais lucides! Pire encore, lorsque les maisons Bamum ont brûlé et un Bamum a perdu sa vie dans l’arrondissement de Bangourain, un fief du RDPC dans le département du Noun, grande a été notre surprise de voir le même Patrice Nganang inventer des mensonges grossiers pour stigmatiser les Bamum comme des « vulgaires genocidaires » qui concassent désormais les « têtes d’anglophones », passant donc les victimes d’une telle « attaque terroristes » en bourreaux des anglophones qui avaient pourtant lancé les attaques contre les riverains Bamum de la localité de Bangourain déjà victimes des enlèvements spectaculaires avec les demandes de rançons! Quand on ajoute à tout ceci la rencontre du même Nganang avec Mbarga Ngule, le patron de la police criminelle du régime Biya, on comprend mieux le jeu trouble du fameux « Concierge de la République » qui a réussi l’exploit d’insulter le Dr. Adamou Ndam Njoya et sa Majesté le Sultan Roi des Bamum comme tous deux des « genocidaires anti Bamileke » comme pour stigmatiser tout le peuple Bamum dans son entièreté malgré la farouche rivalité entre ces deux leaders politiques!

ENTRE ACTIVISME, FANATISME ET DISCOURS DE LA HAINE, IL EST TEMPS DE FAIRE LA PART DES CHOSES

La plupart de ce que nous faisons et même comment nous réfléchissons est influencée par nos fréquentations, nos voisins, nos collègues, et beaucoup plus nos connexions dans les médias sociaux. Cette inter-connectivité explique pourquoi notre amitié explique la nature de notre comportement.

J’ai été fasciné par la franchise dans les propos de Patrice Nganang depuis ma première rencontre avec lui au Centre Culturel Français en 2004 à Yaoundé. C’est cette rencontre où il fustigeait le régime Biya qui a influencé ma propre décision deux ans plus tard, à cesser ma collaboration avec l’université de Yaoundé 1 pour poursuivre mes recherches à New York Universités en 2006. Arrivé aux États Unis, j’ai eu tout le plaisir de connaître au moins trois versions intéressantes de Patrice Nganang: (1) L’universitaire, (2) l’activiste et (3) l’écrivain. Ces trois versions m’ont fasciné à un haut point et je n’ai aucun regret d’avoir été si proche de ce chercheur hors pair comme ami pour qui j’étais prêt même à sacrifier de ma vie pour le défendre. C’est cette conviction qui a valu ma loyauté envers Patrice Nganang même à des moments parfois difficiles. J’ai vécu son arrestation à Yaoundé comme le pire cauchemar de ma vie, tout simplement parce que nous partagions une vision humaniste du pouvoir qui rendait obligatoire la justice sociale au Cameroun.

C’est le virage radical de Nganang en faveur de « la république d’Ambazonia » en tant que « général Ambazonien » qui nous sépare dans la mesure où moi je continue à croire que le Cameroun peut être sauvé par le Fédéralisme à plusieurs Etats, c’est dans cette logique d’ailleurs que je réclame une « région du Noun » dans le cadre de la décentralisation au Cameroun!

LA CRISE ANGLOPHONE, L’ARRESTATION DU PROFESSEUR MAURICE KAMTO, ET LES INCOHÉRENCES DE PATRICE NGANANG

Depuis le déclenchement de la « crise anglophone » qui se transformera plus tard en « guerre civile », notre position est restée plutôt constante, celle de réclamer haut et fort « le dialogue national inclusif » pour ramener le Cameroun sur le chemin de la paix et de la réconciliation. Après l’arrestation du Professeur Kamto, notre position elle aussi est constante, celle qui considère que l’arrestation du leader du MRC est arbitraire et il mérite d’être libéré sans condition.

J’ai été donc largué lorsque pour des raisons purement idéologiques, je suis assimilé à un vulgaire « genocidaire Bamum » tantôt anti Bamileke et tantôt anti-anglophone par Patrice Nganang dans ses écrits, sans aucune preuve! Or, nous avions tous acclamé ses élans humanitaires avec génération Change à travers les constructions des écoles et des ponts en plein Yaoundé. Nous n’avons pas manqué de le féliciter avec beaucoup de fierté dans cet élan de cœur!

Lorsque Patrice Nganang invite les Anglophones et les Bamileke à prendre les armes contre les « Bulu » à partir de New York, est- il dans le rôle du Général de Gaule ou de Wilson Churchill? Le roi des Bamum était en France, et ira à Bafoussam, c’est donc aujourd’hui que le Concierge de la république constate que le roi des Bamum est militant du RDPC et sénateur de cette formation politique?

Les Bamum ne sont plus des esclaves de personne, et considèrent le meeting du RDPC qu’envisage organiser leur roi à Bafoussam, le chef lieu de le Région de l’Ouest comme un non événement, étant donné que la majorité des Bamum, contrairement aux frères de Nganang à Bangangté, sont fidèles plutôt à l’opposition. C’est donc très curieux que le Concierge de la république soit devenu amnésique de la loyauté de Bagangte au RDPC derrière NIAT NJIFENJOU pour venir attaquer les Bamum fidèle à l’UDC du Dr. Adamou Ndam Njoya resté égal à lui même durant plus de 28 ans au sein de l’opposition.

NON, PATRICE NGANANG NE REPRÉSENTE POINT LA COMMUNAUTÉ BAMILEKE

Ceci est une triste vérité. Né à Komkana à Yaoundé, Patrice Nganang est pour moi le plus Beti de tous les Bamileke du Cameroun. L’école qu’il a léguée au Cameroun se trouve à Yaoundé et non à Bagangte. Il serait mesquin de ma part de lui intenter un procès d’intention en rapport avec l’amour de son pays d’origine. C’est plutôt important de rappeler à chaque Camerounais que les provocations de Patrice Nganang ne représentent pas la voix des peuples Bamileke. Je ne serai de très mauvaise foi pour accuser Patrice Nganang d’être à l’origine du tribalisme dans notre pays.

La réalité est toute autre. Pendant très longtemps, le régime RDPC pratique des politiques d’exclusion dans l’administration des affaires publiques et la gestion des entreprises privées. On observe également des stratégies hégémoniques de certains groupes ethniques. C’est la conjugaison de tous ces éléments qui a préparé le terrain à cette crise identitaire. Pendant de très longues années, le régime Biya, à travers son ordre juridique, par exemple l’invention des concepts d’« autochtones » et d’« allogènes » cher au Professeur Joseph Owona, a mis à mal le vivre ensemble au sein de nos institutions. La « tribalisation » de certains ministères et autres institutions-clés, et ses politiques publiques, la politique d’équilibre régional, sont la véritable  fracture identitaire à la base de toutes les formes de radicalisation.

Les propos haineux et tribalistes de Patrice Nganang sont inexcusables, mais il serait plutôt urgent de créer des lois qui condamnent tout le monde qui propage des propos tribalistes comme ce qui sortent de la bouche des lugubres personnages comme les Owona Nguini, Ernest Obama, Calixthe Beyala entre autres!

Les intellectuels Camerounais lucides doivent déjà activement tirer la sonnette d’alarme sur ces dérives qui fragilisent notre concorde républicaine, notre cohésion sociale et hypothèquent durablement notre vivre-ensemble. Les événements de ces derniers jours sous l’instigation ou l’instrumentalisation de l’élite de chaque communauté au Cameroun, les attitudes de repli identitaire et les actes d’intolérance et de stigmatisation des « autres » se multiplient malheureusement à un rythme effréné.

La seule permanence même du débat relatif au tribalisme ces vingt dernières années dans l’espace public (presse écrite, radio, télé, médias sociaux sur Internet), ici comme dans la diaspora, atteste à suffisance de cette crise identitaire qui a connu, avec la question de l’anglophonie identitaire, son tournant décisif et le plus dramatique.

La dernière élection présidentielle, puis l’arrestation du Professeur Kamto ont simplement empiré ce phénomène et exposé aux yeux du Cameroun, de l’Afrique et du monde entier, cette grave crise identitaire qui peut provoquer la déflagration du pays.

NE NOUS LAISSONS POINT DISTRAIRE PAR LES COUPS DE SANG DE PATRICE NGANANG

Le problème du Cameroun en tant qu’tat-nation ne peut être l’ethnie, mais plutôt d’une part, l’immaturité politique de certaines élites, le faible degré de patriotisme et de responsabilité de nombreux acteurs politiques, et d’autre part le déséquilibre des pouvoirs, l’imperfection de l’organisation juridique et politico-administrative de notre jeune pays. Nous en prendre à Patrice Nganang me semble être une diversion de trop! Voilà pourquoi il a depuis longtemps cessé d’être un ami à moi et ne mérite pas d’être un ennemi à moi. Le chantier le plus urgent pour nous, parce qu’à la fois conjoncturel et structurel, pour l’État du Cameroun, c’est d’abord la construction d’une véritable nation unie dans sa diversité. Cela ne sera possible qu’à travers l’articulation, via une réforme politique et institutionnelle à travers le dialogue national inclusif qui intègre et facile la meilleure cohabitation entre sphère ethno-régionale et sphère publique républicaine.

La constitution du Cameroun doit pouvoir protéger le droit à la différence comme socle de l’identité. Il faut que cesse la stigmatisation et la discrimination à l’intérieur du Cameroun et ce ne sont franchement pas les insultes indignes contre tous ceux qui veulent contribuer au changement qui aidera notre pays!

MOT DE FIN

Cette salve d’insultes envoyée en direction de sa Majesté le sultan roi des Bamum par Patrice Nganang,  a le mérite de soulever une question fondamentale au Cameroun, celle de savoir s’il faut « accepter » les chefs traditionnels sur la scène politique dans notre pays! Le débat sur le sujet n’est pas encore prêt de s’arrêter. En cadres organisés ou dans des échanges spontanés, les avis des citoyens Camerounais sur le sujet restent divergents. Mal perçue par certains citoyens, la présence des chefs traditionnels sur l’échiquier politique est, pour d’autres, chose normale. Chacun, de sa position, trouve les arguments nécessaires à ce qu’il pense être l’idéal pour l’ensemble des Camerounais.

Personnellement, je crois que tout le monde est libre, en tant que citoyen, de participer à sa manière à l’animation de la vie politique nationale. Mais, en tant que chef coutumier, en tant que roi, faire la politique ‘’partielle’’ met en danger l’autorité du chef. Je le dis parce qu’il peut arriver que la candidature indépendante soit acceptée un jour dans notre pays, impliquant du coup qu’on peut être député, maire ou conseiller municipal sans appartenir à un parti politique. Dans cette hypothèse-là, le chef pourrait effectivement représenter ses populations et défendre convenablement les intérêts de celles-ci.

Sinon, au stade actuel, ce n’est pas possible qu’un chef soit sur la scène politique et ne défende pas le point de vue de son parti politique. Ce qui voudrait dire qu’il exclut une bonne partie de ses administrés comme c’est le cas dans le département du Noun, où tout le monde n’est pas censé être de même bord politique que le roi des Bamum. Par voie de conséquence, le chef coutumier doit carrément se retirer de la scène politique. D’ailleurs, quelle est la plus-value que leur présence apporte actuellement à la démocratie ? Son rôle, c’est d’être un vecteur de paix et non de se retrouver au sein d’hommes politiques. Je pense qu’il faut même les laisser tels qu’ils sont actuellement, c’est-à-dire ne même pas essayer de les organiser dans un cadre républicain. Parce que, là où on parle d’association, de regroupement, il va falloir désigner des têtes, des répondants. Or, au Cameroun, nous avons plus de 289 groupes ethniques. Dans cette condition, qui va représenter qui d’autre et sur quelle base?

Pire, n’oublions pas que bon nombre de chefs coutumiers n’ont pas été à l’école ; alors comment pourraient-ils se comprendre au sein d’une assemblée ? C’est dire qu’ils ne pourront même pas discuter entre eux. Patrice Nganang a simplement commis la maladresse de se comporter comme si le militantisme du roi des Bamum était le reflet du sentiment de la majorité des Bamum. Il doit avoir l’humilité de reconnaître la maturité du peuple Bamum qui a tourné le dos à l’élite RDPC restée fidèle à Paul Biya.

Laziz Nchare, New York, 17 Juillet 2019.

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