LES VRAIS MUSICIENS SAVENT D’ABORD ÉCRIRE
Ce n’est pas parce que l’on est écrivain qu’il faut mépriser un artiste-musicien !
C’est pourquoi, par exemple, Bob Dylan – guitariste – a été désigné Prix Nobel de littérature 2016, comme Wolé Soyinka, le mentor de l’autre. Qui des prix Renaudot, des lauriers prestigieux de l’histoire littéraire a eu l’inspiration et le souffle de chansons comme Like a Rolling Stone (élue plus grande chanson de tous les temps par le magazine Rolling Stone), Ballad of a Thin Man, All Along the Watchtower, Masters of War ou encore Gates of Eden. Certaines de ses chansons comme Blowin’ in the Wind et The Times They Are a-Changin’ sont même devenues des hymnes anti-guerre, en particulier anti-guerre du Vietnam, et des mouvements civiques de l’époque
C’est pourquoi, Bob Marley – guitariste – est l’une des meilleures plumes de l’histoire du panafricanisme, de la lutte pour les droits civiques, contre les régimes dictatoriaux en Jamaïque et dans le monde ; une des meilleures plumes aussi de l’ode à la fraternité, à l’amour et au refus de la haine dans le monde. Quel auteur contemporain, quel prix Goncourt, quel prix Pullitzer, quel Grand prix littéraire d’Afrique Noire a eu les mots aussi acérés, vifs, lumineux de vérité, en surplomb de nos luttes de libération et dans les racines de notre âme que One Love, Buffalo Soldier, Get up, Stand up, Redemption Song, Stir it up, Africa Unite…
C’est pourquoi, Lapiro de Mbanga – guitariste – est l’un des meilleurs chroniqueurs de l’histoire sociale, politique et économique au Cameroun, lui qui savait dans une langue populaire, plus que personne, conter les malheurs, souffrances et le vécu harassant des déclassés, des humbles citoyens du pays de Mongo Beti.
C’est pourquoi, Donny Elwood – guitariste – est l’un des poètes les plus brillants et prolifiques de notre histoire, lui qui sait comme on le fait rarement croquer le tordu de nos mœurs, peindre nos vanités, badigeonner les murs noircis de nos perfidies, gratter avec son mordant le risible, l’absurde et le cocasse de nos sociétés.
C’est pourquoi Toto Guillaume -guitariste -, précoce instrumentiste, touche à tout et matrice de la musique camerounaise des années 80, a écrit certains des plus beaux textes de la pléiade camerounaise en langue Duala dans ses chansons telles que Elimbi na Ngomo, Some Pita, Raison…
C’est pourquoi, Claude Ndam – guitariste – est devenu un des must du patrimoine culturel et musical camerounais, ayant sublimé la langue bamoun, grâce à des textes d’une rare puissance poétique, ancrée dans les traditions demi-millénaires du pays de Njoya.
C’est pourquoi, la Renaissance de Harlem, quartier de New York, aux Etats-Unis, mouvement de renouveau de la culture afro-américaine, inspiré par WEB DU BOIS, Langston Hughes, Booker Washington et bien d’autres, dans l’Entre-deux-guerres a croisé musique, mode, pensée et littérature. Avec le brio de guitaristes de génie, papes du jazz et princes de l’écriture de textes fondateurs.
C’est pourquoi Ismael Lo, Lokua Kanza, Ottou Marcellin, Geoffrey Oriema, Ali Farka Touré, Francis Bebey, Charles Lembé, Prince Nico Mbarga, Dr Nico, Kante Manfila, D’Gary, Franco… – guitaristes donc – ont écrit les plus belles pages de l’histoire culturelle africaine, en accordant les riffs géniaux de leurs instruments, avec des textes devenus cultes, hymnes de l’Afrique contemporaine et bréviaires de nos consciences, de nos quotidiens et sources inépuisables d’inspiration.
C’est pourquoi, un guitariste d’exception comme Richard Bona, l’homme de Tiki, dont une kyrielle de critiques et chroniqueurs culturels aux Etats-Unis relevaient la profondeur lyrique au soir de la nomination aux Grammy Awards en 2006, n’a aucun complexe à avoir devant le moindre écrivain ! Lui qui a joué aux côtés de Messi Martin à Douala, sait ce que l’inventeur du Bikutsi moderne disait de la musique : un kalara, soit un livre ouvert…
L’une des premières conditions de la Renaissance de l’Afrique et du Cameroun, c’est le changement de ces mentalités absurdes !
A. Mounde Njimbam
