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VOICI COMMENT PAUL BIYA A MOBILISÉ LES MINISTRES CRAPULES DE SON CLAN ETHNIQUE À ATTISER LE TRIBALISME, ÉLIMINER LES BAMILÉKÉ ET D’AUTRES COMMUNAUTÉS

Dans la présente tribune, je partage d’abord des souvenirs de ma rencontre en 2005 avec un ministre camerounais malade du tribalisme (I), j’expose aussi les deux qualités de tribalisme au Cameroun (II), ensuite je m’interroge : Paul Biya est-il un tribaliste ? (III), enfin j’indique le destin de la crapule, l’avenir du Pays et le jugement de l’histoire (IV).

I/ ÉYÉBÉ AYISSI, TSALA NDZOMO, UN MINISTRE TRIBALISTE ET MOI…

Nous sommes en avril 2005. Le ministre Henri Éyébé Ayissi, actuel MINDCAF, et Sa Majesté le Professeur Guy Tsala Ndzomo, Chef supérieur des « Eton », me sollicitent pour aider un Camerounais en détresse. Ce dernier était menacé de perdre son maroquin. En effet la grève fait rage dans les universités d’État. J’étais un des leaders de la grève estudiantine qui ébranlait alors les amphithéâtres à travers le triangle national. Parmi les leaders il y avait un Bamiléké, Mouaffo, un Bamoun, Lindjoun, des Beti, Messi, Okala Ébodé (actuel trésorier adjoint du MRC) et moi-même.

Arrivé chez ce Camerounais, son discours qui alternait les menaces et les injonctions tribalistes me figea. Avec le raffinement qu’on lui connaît, mon interlocuteur me tint le langage suivant dans sa langue bantoue langoureuse : « Comment pouvez-vous faire ça à nous, vos papas ? Vous voulez même quoi (comme si on avait déjà quelque chose) ? On va tout vous donner, tout ce que vous voulez, l’essentiel c’est que vous arrêtiez ces bêtises, que vous quittiez les rangs de ces gens-là… D’où vous est même venue l’idée de vous mélanger avec les Bamilékés et les Bamouns pour déstabiliser le pays ? Comment pouvez-vous vous associer à ces gens pour faire tomber le régime ? Comment pouvez-vous vous associer aux Bamilékés et au Bamouns (il répétait ce refrain sans cesse) pour combattre le pouvoir du Président de la République, Son Excellence Monsieur Paul Biya ? Faites attention désormais ? On peut vous finir ! »

Lorsqu’il prononçait le nom Paul Biya, il feignait de trembler de rage et son énervement sans profondeur s’épanouissait sur son visage hautain à travers un rictus de dégoût au coin des lèvres asséchées de désespoir. J’étais consterné, stupéfait. Se pourrait-il que c’est son patron qui lui demande de tenir un tel discours ? Est-il à l’image de « son » Excellence ? Ma stupeur venait du souvenir des « dangers » consubstantiels que représentaient les Bamiléké et les Bamoun suivant la science infuse qu’on me communiquait. Je tressaillais de torpeur en revoyant mon enfance paisible au quartier Bami, à Obala, entouré de ces « montres » qui parlaient parfois ma langue. Comment avais-je réussi à leur échapper ? Comme j’avais été dupe de les considérer comme mes amis de jeu !

De toute évidence, pour mon interlocuteur, la construction des amphithéâtres, l’octroi de tables-bancs, de la craie, des équipements de laboratoires, la construction des toilettes, bref toutes les revendications des étudiants ne représentaient rien. Seules importaient à ses yeux la défense de l’honneur (supposé avoir été bafoué) du Président et la préservation de la réputation de la tribu régnante, plus exactement son auguste appartenance au « clan bulu » au pouvoir et qui, suivant ses fantasmes, était mise en danger par nos puérilités révolutionnaires. Pendant quelques secondes, je perdis mes assurances vindicatives et je me recroquevillai momentanément sous ma minable carapace d’étudiant, sommé par cette copie de l’« Excellence » de déguerpir le plancher des récriminations juvéniles des amphithéâtres. Quel mépris pour l’école, l’université ! quel goût sectaire ! quelle suffisance sur la face d’un supposé serviteur du peuple ! quelle morgue pour un relais du Souverain !

Je regardai l’effigie de Paul Biya sur la tenue du parti qui flottait dans la plénitude charnelle du vide et, dans la sécurité de mon jugement intérieur, je ruminai : « Paul, qu’est-ce que les Camerounais t’ont même fait pour mériter ça ? » Et comme s’il m’eût écouté, soudain j’aperçus le sourire déroutant du Grand camarade dans un coin de l’étoffe que portait le néant. L’habit s’était plié sous l’incommodité du mannequin dégonflé sur lequel il était accroché. Biya semblait me répondre, avec le regard malicieux et réprobateur que le Sage sait opposer à l’étourdi : « Je t’ai envoyé le sauver ? »

Un temps, l’idée me vint de retourner vers mes commissionnaires leur annoncer que jetais l’éponge. Je me résolus à leur expliquer que la panique était feinte et entretenue pour s’attribuer le statut de victime expiatoire ; je voulus leur démontrer que le paniqueur ne joue pas franc jeu. Je me jurai d’expliquer à ce ministre et à ce Chef supérieur qui m’avaient mandaté que le sinistré tourmenté n’était point une âme secourable ; qu’il n’était pas éligible aux indulgences.

Mais comment oser soutenir devant ces hauts commis de l’État, devant ces papas de ma Lékié natale, la thèse du scandale de la parole ministérielle qui se mue en un soliloque haineux ? Vous-mêmes vous savez qu’avec le temps, les vieux (ce n’est pas une insulte) deviennent souvent acariâtres, séniles et d’autres indifférents à tout, même à une souffrance inouïe. Comment pouvais-je savoir ce qu’étaient devenus mes pères Eyébé et Ndzomo en vieillissant ? Je sais que les Chefs de villages sont en général compréhensifs, voire conciliants, face aux peccadilles des jeunes.

Et l’autre alors, qui est un politique pur-sang, comment sonder cette insondable impasse ? Désarmé, la peur des remontrances paternelles fit sa loi. Je me dissuadai et je continuai donc ma mission. Je la menai avec un grand succès quelques jours, en amenant la plupart de leaders auprès de l’indigné cynique et en obtenant, avec les autres, le déblocage par le Chef de l’État d’une enveloppe de plus d’un milliard de francs CFA en faveur des universités.

II/ LES DEUX QUALITÉS DE TRIBALISMES AU CAMEROUN

Telle fut ma première expérience du tribalisme bulu. Il était théorisé, théâtralisé, mobilisé pour servir d’outil de positionnement politique, pour organiser l’élimination des autres communautés et des autres acteurs compétitifs de la scène publique. Cette purification ethnique était le fait d’un universitaire chevronné, un membre du gouvernement qui était convaincu que le régime se porterait mieux si seuls les membres du clan villageois y avaient droit de cité.

Les événements derniers à Ébolowa (l’interdiction d’entrée des Camerounais dans la ville sous de prétextes politiques) ont ravivé en moi ces tristes souvenirs. Sans y être, je peux comprendre que les intrigants paniqueurs cyniques ont maturé leur sinistre projet qui consiste à opposer les Camerounais entre eux et à tirer ainsi leur épingle de ce jeu maudit.

Comment donc faire en sorte que les Kirdis, les Haoussa, les Bamiléké et les autres, dont les enfants, à Sangmélima, à Obala ou à Etoudi ont déjà notre culture et qui parlent bulu, eton et ewondo mieux que notre progéniture, nous considèrent comme leurs frères alors qu’on les isole avec une telle débauche d’immoralité ? Lorsqu’on discrimine ainsi les autres communautés, les autres ethnies, comment va-t-on construire le vivre-ensemble et l’unité nationale ? La prochaine génération de Camerounais métissés qui sortent tous les jours de nos rencontres multiethniques fortuites ne va-t-elle pas nous regarder au rétroviseur de l’histoire comme de sacrés ordures de temps préhistoriques ?

Il paraît que les Bamiléké sont essentiellement tribalistes. Il paraît que c’est même devenu une seconde nature chez eux, leur sport favori. Apparemment cette maladie, ils la contractent dès leur tendre enfance… Telle est la science sociale tribale de la crapule ! Moi je n’en sais rien. Je n’ai pas fait d’études sur leur haine de naissance. Je ne peux donc ni confirmer ni infirmer ces accusations. Advenant même que les preuves soient apportées et les faits, attestés. Ce ne serait pas plus dangereux que la pathologie dont j’ai fait l’expérience personnelle.

Celui dont je vous parle cultivait le tribalisme en lui comme une foi ; il s’entraînait à haïr comme on s’entraîne dans une activité spirituelle. Il reprenait ce credo comme le dévot répète la parole sainte pour mieux se brimer le cerveau et servir aux incrédules l’exemplarité de son abrutissement comme le trophée de son accomplissement religieux ultime. Or, puisqu’il est dit que les autres portent leur tribalisme en eux comme une maladie, n’est-ce pas on peut soigner les dysfonctionnements et les blessures du corps ? Comment guérir de la maladie produite par une intelligence enténébrée et réputée ? N’est-ce pas évident que le racisme et le tribalisme produits par la mauvaise foi et l’incompétence inconsciente d’elle-même sont incurables ? La gangrène disséminée dans la société par les universitaires raisonneurs vides d’humanité et plein de suffisance inepte n’obéit à aucun protocole thérapeutique. N’est-ce pas le mal radical ?

III/ PAUL BIYA EST-IL UN TRIBALISTE ?

Le tribalisme dont j’ai fait l’expérience, c’est le tribalisme du Sud. Il est impitoyable non seulement parce qu’il est pensé, mais aussi et surtout parce qu’il utilise les instruments du pouvoir d’État pour discriminer et éliminer les autres tribus selon les principes ethno-fascistes qui, en principe, devrait répugner à tout Chef de l’État qui dirige une nation multiethnique.

Logiquement, je me suis demandé dans mon for intérieur si le Président Biya était lui « aussi » tribaliste ? M’imaginer même en train de m’interroger ainsi me remplit encore aujourd’hui de frissons. Voici ce que l’expertise de mon discernement livra comme résultats.

Lorsque Paul Biya était ministre et premier ministre, il étonnait son Chef, le Président Ahidjo, par son détachement par rapport aux intrigues villageoises. C’est le seul qui n’emmerdait pas Ahidjo avec des demandes répétées de permission d’absence pour aller au village les week-ends. Biya restait à Yaoundé, à l’écoute des battements du cœur de la nation, étudiant patiemment la psychologie des foules laborieuses, intègres ou crapuleuses.
Biya sait qu’il est faux de penser que certains ne sont pas faits pour diriger un pays. Il n’ignore pas qu’il n’est pas vrai que l’accès d’autres communautés à la fonction suprême consacrera l’institutionnalisation de l’hégémonie tribale au sommet de l’État. Il a étudié, à Siences po., que le pouvoir est une configuration rationnelle complexe qui laisse peu de place à l’émotivité grégaire du village. Il sait donc que les « Bulus » qui rêvent du pouvoir suprême, comme leur frère qu’ils singent ou veulent rivaliser jusqu’au ridicule, vont guérir de leur tribalisme lorsque le pouvoir va les ignorer ; le Bamiléké, lui, redeviendra lucide lorsqu’il accèdera au pouvoir suprême.

Le crédo de Biya, fondamentalement, c’est qu’on ne gouverne pas une nation multiculturelle constituée de plus de deux-cents ethnies, comme le fon de l’Ouest régente sa tribu suivant ses lois féodales. C’est pourquoi lorsqu’il était ministre, il ne lui venait pas à l’esprit d’aller sécuriser l’héritage paternel ; il aspirait à multiplier la richesse commune, la Commonwealth de toute la nation.

Paul  , comment pouvez-vous maintenant accepter qu’un ministre de la République aille lutter avec les halogènes au village au lieu de défendre toute la nation ? Paul, comment acceptez-vous que les lumières républicaines soient assombries par les laideurs tribales ? Et pourquoi le SG-PR et le Premier ministre laissent-ils faire ? Pourquoi abandonnent-ils l’État se perdre si loin dans la forêt du Sud ? L’immeuble étoile est-il finalement la tour des épines ?

Dieu est vraiment irrémissible d’avoir créé la mort. Où est mon « Barbe dure » qui savait opposer son véto de stratège politique aux intrigues de la crapule ? Où est Léopold Ferdinand Oyono, qui savait préserver intacts les goûts politiques et préférences esthétiques du Prince ? Ces grands esprits n’étaient point de simples intrigants malfaisants. Ils avaient été, comme leur distingué condisciple de président, moulés dans de grands repères, le nationalisme, la négritude, la guerre d’Algérie, le panafricanisme… On est donc en droit de s’interroger : le palais d’Étoudi est-il désormais vide de conseillers compétents et visionnaires ?

IV/ LE DESTIN DE LA CRAPULE, L’AVENIR DU PAYS ET LE JUGEMENT DE L’HISTOIRE

Paul, la crapule nous écrase et vous ne dites rien ! Elle multiplie nos frustrations et coupe la route de notre repli vers le peuple qui vous a élevé si haut, avec amour, et vous vous taisez ! Elle saccage nos acquis, nous retire nos ambitions et nos rêves pour nous remplir de dégoût, de haine et de désespoir. Vous semblez fermer les yeux à ces moments fatidiques !

Mais pour nous, les chroniqueurs de la malgouvernance dans notre pays, les devoirs de la charge sacrée imposent de rétablir néanmoins les faits sans rancœur. La vérité de l’histoire c’est que, malgré tout et au-delà des apparences et de notre écœurement présent, au dernier jour, vos contemporains voudront comprendre les causes de votre défiguration.
L’histoire ne juge pas la crapule : elle l’oublie. En revanche, devant les grands crimes contre les hommes et le bon sens, la responsabilité de l’autorité suprême est toujours convoquée. C’est pourquoi vous devez sévir contre la crapule au lieu de donner l’impression de l’élever.

Qu’est-il advenu de Paul-le-beau, de Paul-le-bon de 1982 ? Nul ne peut y répondre, en dehors de Paul lui-même. Ce dont nous sommes certains, par contre, c’est que notre avenir passe par la transfiguration ultime de Biya. Quand allez-vous retrouver, contre la force d’inertie de la crapule, le sursaut républicain que symbolisent vos traits nets, fins et irrésistibles, la belle et harmonique figure d’un passé fugace et pourtant inoubliable, ce chef d’œuvre d’humanité aujourd’hui presque éteint, qui incarna un temps court et dense l’espoir d’un avenir radieux du peuple camerounais ?

Fridolin NKE,
Expert du discernement

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